Fin de l’happy end, début de la vraie vie.
Jésus nous quitte pour la deuxième fois. Le ressuscité qui était revenu affermir notre foi durant quarante jours va rejoindre son père pour un temps que nul ne connaît. Mais cette séparation est également, paradoxalement, le don de sa présence jusqu’à la fin du monde.
Encore faut-il accepter d’entrer avec lui dans la vraie vie. C’est-à-dire de cesser de scruter le ciel pour espérer le voir. Il reviendra de la même manière qu’il s’en est allé vers le ciel… mais entre son départ et son retour il ne nous est pas demandé de mettre le monde entre parenthèse.
Ce monde, il l’a marqué de sa présence. L’iconographie chrétienne, quand elle représente l’ascension, n’hésite pas à faire apparaître les marques de ses pieds sur le rocher, signe indélébile de sa présence. Ce monde, nous y sommes envoyé en mission, pas en retraite.
Cette séparation est un cadeau. Elle nous oblige à chercher Jésus là où il est vraiment. Non pas très loin par-dessus les cieux, mais tout proche, avec nous, comme il nous l’a promis. « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. »
Avec nous, sans que nous ayons besoin de nous façonner un Jésus présent qui nous rassure, une idole déposée dans un tabernacle que nous nommerions Eglise comme si l’Eglise était autre chose que l’humanité vivant avec, par et en Jésus.
Car Jésus nous l’a dit, nous l’a répété. S’il est présent auprès de nous, c’est dans nos frères et dans nos sœurs. La mission à laquelle nous sommes appelés n’est pas de baptiser les hommes et les femmes pour que l’Eglise croisse. La mission à laquelle nous sommes appelés c’est de faire découvrir aux hommes et aux femmes qu’ils sont fils et filles de Dieu en Jésus. Qu’ils sont frères et sœurs en Jésus. Qu’ils sont l’Eglise, qu’ils sont les enfants de Dieu, sauvés dans le Christ, aimés par leur Père. Et cette mission ne peut passer que par notre propre témoignage. Un témoignage d’humilité, de patience et de miséricorde à l’image de celui de Jésus. Une vie entièrement tournée vers notre Père dont nous recevons l’amour, la vie.
La séparation de l’Ascension n’est pas l’absence, la séparation de l’Ascension c’est la possibilité d’accueillir le don qui nous est fait à la Pentecôte, celui de l’Esprit, afin d’entrer pleinement dans le mystère de Dieu, dans la vie de Dieu, dans la présence de Dieu.
Notre vie, notre vraie vie, prend tout son sens dans cet happy end qu’est la résurrection de Jésus, le triomphe de l’amour de Dieu pour son fils, pour tous ses enfants. La présence de Jésus se manifeste pleinement quand nous participons à manifester dans son Esprit ce lien de filiation que rien ne peut entamer, pas même la mort. Nul ne sait quand il reviendra comme il s’en est allé, mais nous sommes certains que tant que nous verrons dans l’homme et la femme que nous croisons, un fils et une fille de Dieu, il sera avec nous.
Et le jour où il reviendra, c’est bien sur cette certitude qu’il nous questionnera. Si nous avons vécu de cette certitude, nul doute que nous vivrons un happy end.