« Cette messe que j’aime ». Tel était le titre de la conférence que Jean-Noël Bezançon a donnée hier, vendredi 11 décembre, à la paroisse Saint-Jacques du Haut Pas. Le ton est calme et absolument pas polémique. Pourtant le cœur du propos est clair : la messe telle qu’on l’a célèbre depuis le Concile Vatican II n’est pas une messe nouvelle mais bien la messe de toujours, une liturgie au plus proche de ce que devaient célébrer les premiers chrétiens. Une liturgie issue du partage de la Parole ou du Livre qui chez les juifs se faisait à la synagogue et du repas eucharistique, rappelant la Cène, et proche des fêtes juives qui se célébraient en famille autour de la table.
Pour expliquer l’évolution de la liturgie eucharistique au cours des siècles, Jean-Noël Bezançon fait l’hypothèse d’une réappropriation inconsciente d’une vision religieuse issue du Temple de Jérusalem, c’est-à-dire finalement à une re-sacralisation de Dieu et de la religion, pratiquée aussi par toutes les religions païennes. Celle-ci va à l’inverse de l’auto-révélation de Dieu en Jésus-Christ qui se dévoile à tous (il n’y a pas de secrets) et dont le sacrifice pascal se solde par le déchirement du voile du Temple, signe évident que Dieu n’est plus caché au fond d’une pièce où seul le Grand-Prêtre pénétrait une fois l’an.
Dans son évolution liturgique, l’Eglise avait renoué avec cette séparation entre un lieu du sacré, le chœur autour de l’autel où seul le clergé pénètre, et un lieu plus profane duquel les fidèles contemplent et adorent. De ce fait, l’Eglise se mutilait elle-même, dissociant ce qui en Christ ne fait qu’un. Car ce que nous célébrons c’est bien l’action de grâce de tout le peuple uni dans le Christ, lui qui est à la fois la Grâce donnée et la Grâce rendue. Et comme le dit la Tradition, de Saint-Augustin à Henri de Lubac : L’Eglise fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Eglise.
La « réforme » liturgique de Vatican II est donc le retour à la tradition la plus ancienne de l’Eglise, sa pratique première, celle du rassemblement de tout le corps, celle de l’action de grâce de tout le corps, où chaque membre du corps a une place active et non seulement contemplative. Il s’agit pour chaque baptisé d’avoir la possibilité de comprendre et de participer et non simplement de voir et d’adorer. Cette messe de toujours est donc la réappropriation par toute la communauté d’une parole qu’elle ne pouvait plus comprendre (à cause de la langue et de la distance) et d’une eucharistie qu’elle ne célébrait plus. Et si il y a à réformer cette liturgie, c’est dans ce sens, afin de permettre à chaque baptisé d’être dans la prière de l’Eglise un acteur libre et conscient de l’engagement qu’il prend quand au cours de la célébration et particulièrement en recevant le corps du Christ, il répond Amen.
Jean-Noël Bezançon
La messe de tout le monde
Sans secret, ni sacré, ni ségrégation
Cerf, 2009