Soixante-deux verrières et six occulis éclairent l’intérieur de la basilique Notre-Dame d’Espérance de Mézières, mille mètres carrés de vitraux réalisés par l’artiste René Dürrbach et le maître verrier André Seurre entre 1954 et 1979. Un ensemble de cette qualité est certainement unique en Europe et mérite un détour par Charleville-Mézières. René Dürrbach, qui travailla avec Pablo Picasso et fréquenta Fernand Léger, a créé pour cette basilique une unité de lumière dans laquelle se répondent, comme dans le chant d’un psaume, la froideur de la Vierge noire de Mézières et la chaleur de Notre-Dame d’Espérance.
Dans un parcours iconographique allant du « Paradis terrestre » à la « Jérusalem céleste », il nous propose dans le registre bas des représentations abstraites des grands thèmes du cycles de la Vierge et de son Fils, tandis que le registre haut illustre, dans la nef, les principaux noms donnés à la Vierge dans la tradition chrétienne et, dans le chœur, son couronnement.
Si l’utilisation de larges filets noirs pour souligner les formes rappelle les vitraux du XIIIe siècle, l’abstraction des formes nous éloigne de la simple notion de bible des pauvres tant défendue pour expliquer l’omniprésence de l’image dans les églises catholiques. Et pourtant c’est bien vers une lecture des Ecritures que nous conduisent ces œuvres. Les Ecritures non comme paroles figées de Dieu ou suite de péricopes porteuses de morales ou de règles mais bien comme un dialogue entre Dieu et les hommes, un dialogue toujours vivant auquel nous sommes tous invités à participer parce qu’il conduit à notre propre liberté.
Il nous est impossible de comprendre ces œuvres abstraites si nous ne rentrons pas dedans, si nous ne les investissons pas de notre regard, de notre culture, de notre vie sensible et intellectuelle. Il nous est impossible de rencontrer le Christ dans les Ecritures si nous n’y plongeons pas tout entier pour que tout en nous s’éclaire du dialogue qu’il nous propose, du chemin de conversion qu’il nous invite à suivre en sa compagnie. Comme les disciples et les apôtres, acceptons de ne pas comprendre du premier coup ! N’y cherchons pas des réponses toutes faites, des recettes à suivre, mais un dialogue qui reste ouvert jusqu’au jour où nous rencontrerons celui qui nous y invite, face à face, dans sa gloire.
Le maître de René Dürrbach, Albert Gleizes, grand théoricien du cubisme, disait "Pas d'œuvre d'art vraie qui ne trouve sa justification et son sens dans les besoins physiques et métaphysiques de l'homme" et c’est bien à nos besoins physiques et métaphysiques que la parole de Dieu s’adresse pour nous permettre de devenir pleinement libres et pleinement humains, à l’image de Jésus-Christ.