Autour de ce mot, se noue l’un des plus graves malentendus du christianisme. En effet, tout le monde ou presque sait que Dieu est amour. Le plus ignorant des enfants du catéchisme sait que deux fois sur trois, il peut répondre à sa catéchiste « parce que Dieu nous aime ». Peu importe la question, ça marche presque à tous les coups. D’une autre façon, après la publication de d’encyclique « Deus caritas est », de Benoît XVI, l’un de mes amis, homme de science et de grande culture, et athée, me posa la question ; « pourquoi faire une encyclique pour dire une chose que même un vieux mécréant comme moi sait ? »
Donc, c’est une chose acquise, Dieu est amour et il faut aimer Dieu, il faut aussi nous aimer les uns les autres, voilà la vulgate.
Si on y regarde de près, cela signifie à très peu près quelque chose d’aussi mièvre que « Dieu est gentil », « il faut être gentil avec Dieu », « Soyez gentils les uns avec les autres ».
Tragique méprise, effroyable affadissement d’une réalité de feu. Souvenez-vous les mots de Jésus : « Je suis venu allumer un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ».
L’amour dont il est question n’a rien à voir avec la gentillesse ; c’est une substance beaucoup plus dangereuse, inflammable, explosive. D’ailleurs, de nombreux artificiers y ont laissé leur peau, à commencer par le premier d’entre eux, le Christ lui-même.
Les théologiens peuvent bien ergoter à distinguer eros, philia, agapé, caritas, ces querelles de mots ne servent guère qu’à dissimuler ou atténuer une redoutable réalité.
L’amour chrétien qui est le cœur même de la foi, est un extrémisme. Il s’agit d’aimer « à mort ». « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », tel est le « testament de Jésus. Mais l’histoire d’amour finit mal ; sur la croix. Mais l’histoire d’amour finit bien, re-suscitée, régénérée, exaltée, en Dieu par la résurrection.
À vue humaine, c’est une folie. Cela suppose d’aimer aussi les méchants, les ennemis, ceux qui commettent envers nous l’injustice, la trahison, le mensonge, la calomnie, le faux témoignage, ceux qui, en un mot, nous veulent du mal et nous en font. Cela suppose de pardonner l’impardonnable, d’abandonner son droit en faveur de la paix.
Cet amour-là est un feu qui nous dévorera si nous commettons l’imprudence de nous y exposer. Il est raisonnable de nous tenir devant l’amour (Dieu) avec crainte et tremblement. Il est raisonnable de prier « Éloigne de moi cette coupe ». Il est de la folie de la foi d’être capable de dire à genoux « Non pas ma volonté, mais la tienne ».
Ce que dit le Magistère catholique :
CEC 219. L’amour de Dieu pour Israël est comparé à l’amour d’un père pour son fils (Os 11, 1). Cet amour est plus fort que l’amour d’une mère pour ses enfants (cf. Is 49, 14-15). Dieu aime son Peuple plus qu’un époux sa bien-aimée (cf. Is 62, 4-5) ; cet amour sera vainqueur même des pires infidélités (cf. Ez 16 ; Os 11) ; il ira jusqu’au don le plus précieux : " Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique " (Jn 3, 16).