« Il faut lire la Bible ! » Depuis une quarantaine d’années, c’est la grande incantation qui jaillit dans le catholicisme. Au point qu’on noircit parfois le tableau en prétendant qu’auparavant, la lecture de la Bible était interdite. Sur le passé, soyons exacts. La lecture n’a jamais été interdite, mais elle n’a pas été encouragée. Cette lecture était entourée de conseils prudentiels. On recommandait qu’elle se fasse plutôt dans la version latine officielle (la Vulgate) et qu’elle soit accompagnée de notes et de commentaires dûment approuvés. Bref, si la lecture n’en était pas interdite, elle était très encadrée. Il faut ajouter que la lecture de la Bible, surtout en langue vulgaire était l’affaire des Protestants et le Catholique qui lisait la Bible était aisément soupçonné de tendance à la désobéissance ou à l'hérésie.
Aujourd’hui, la lecture et l’étude de la Bible sont encouragées, ce qui ne veut pas dire que le succès soit au rendez-vous. En France, en particulier, moins de la moitié des foyers possèdent une Bible et ils sont 10 % à l’avoir ouverte au moins une fois au cours de l’année.
La paresse et l’ignorance se substituent donc à la prudence.
Il faut avouer que la Bible est une sorte d’Everest. Pas facile de s’y « attaquer » seul, sans sherpa, sans guide, sans oxygène.
D’abord, des chiffres. Ne serait-ce que le premier livre, la Genèse, a la taille d’un petit roman, 180 pages dans une collection littéraire (76 pages dans ma bible qui en compte 2380, soit 5,5%). Le reste est à l’avenant. Dans une bible catholique, on dénombre 73 livres, 46 dans le Premier Testament, qu’on nomme plus couramment Ancien Testament et 27 dans le Nouveau Testament. La constitution du texte s’échelonne sur quasiment mille ans. On y trouve à peu près tous les genres littéraires ; de la poésie aussi bien que des romans pieux ou des codes de loi.
Il y a de quoi se perdre et se décourager. Et pourtant, si peu que l’on trouve le courage de commencer à lire, ou un bon guide, un amoureux qui a envie de faire partager sa passion, le miracle s’opère.
Il y a quelque chose de particulier dans le texte de la Bible quelque chose qu’aucune autre œuvre littéraire ne produit à ce point. En un mot, son sens ne s’épuise pas. Chaque lecture remet le texte à neuf, chaque lecture le fait résonner autrement. Vous me trouvez lyrique, vous avez raison. Pour moi, la Bible est une passion qui s’aggrave avec le temps. Ce texte a quelque chose que les théories littéraires et historiques d’analyse du texte ne saisissent pas. Sans cesse, il s’échappe, il m’échappe. Y aurait-il là quelque diablerie ? Bien au contraire. C’est Dieu qui est embusqué derrière les mots, Dieu qui se rit de moi, de mes efforts pour le saisir. Lisez, lisez la Bible, laissez-vous saisir par une Parole qui se donne en s’échappant. Moi, je n’hésite pas, sur une île déserte, je pars avec la Bible, je ne serai pas seul !
Ce que dit le Magistère de l'Eglise catholique :
Le mot « bible » n’apparaissant que deux fois et de manière purement incidente dans le Catéchisme de l’Église Catholique, je vous propose cette citation récente du pape Benoît XVI.
La Bible n’est pas un simple livre, mais un recueil de textes littéraires dont la rédaction s’étend sur plus d’un millénaire et dont les différents livres ne sont pas facilement repérables comme constituant un corpus unifié. […] La Parole de Dieu nous parvient seulement à travers la parole humaine, à travers des paroles humaines, c’est-à-dire que Dieu nous parle seulement dans l’humanité des hommes, et à travers leurs paroles et leur histoire.
Benoît XIV, discours au Collège des Bernardins, 12 septembre 2008.