C’est quand même une drôle d’idée de choisir un instrument de supplice comme « logo ». Il y a de quoi prêter le flanc à toutes les accusations de dolorisme et de masochisme, et de fait, elles n’ont pas manqué. Alors, faut-il revoir notre « com » pour être un peu plus aimable ? Après tout, n’avons-nous pas en stock des symboles beaucoup plus sympas ; le poisson, l’agneau, la colombe…
Et bien non ! Rien ne peut remplacer la croix. Et ce n’est tant le bois de la croix que nous regardons, que celui qui y est cloué.
Alors, que contemplons-nous ? La souffrance, la violence, l’injustice ? Oui, le supplicié de la croix porte et traverse tout cela, mais plus radicalement, la croix expose sans voile, sans fard la tragédie de l’humanité, la tragédie de l’amour.
Hélas, il n’y a aucun doute, aucune exception, à vue humaine, toutes les histoires d’amour finissent mal. La mort transpercera nos cœurs, à coup sûr, nous pleurerons ceux que nous aimons, ou nous serons pleurés. Tout amour se heurte à la finitude, à l’abandon, à la trahison, à la mort.
Devant cette atroce réalité, certaines sagesses concluent qu’il faut éteindre en nos cœurs les attachements et les passions.
Le christianisme fait l’inverse. Il propose l’amour comme ultime horizon, l’amour absolu, c’est-à-dire l’amour crucifié.
Oh, le chemin n’est pas aisé, il n’est pas interdit de supplier à genoux : « Éloigne de moi cette coupe ». Mais suivre le Christ c’est accepter de faire le même chemin que lui, accepter d’aimer sans rien épargner, à pleins bras, à pleines mains, à cœur offert.
Le pouvons-nous ? Oui parce que la voie est ouverte. Le Christ est passé avant nous, devant nous, et nous voyons la croix déjà éclairée par la lumière de Pâques. À vue humaine, il n’y avait que la nuit, et la tragédie du destin humain. À vue chrétienne, il y a l’amour donné et rendu au centuple, une coupe débordante. La croix n’est pas le trou noir de l’amour mais le passage par lequel s’engouffre la vie.
Voilà pourquoi nous suspendons une croix à notre cou, pourquoi nous osons la tracer sur notre front, notre cœur et nos épaules. Voilà ce que nous ne cessons de célébrer. Voilà ce que réalise notre baptême. Voilà à quoi chaque eucharistie nous fait communier.
Sans doute faut-il être un peu fous pour croire qu’il est bon d’aimer à en mourir. Fous, mais pas masochistes.
Heureux celui qui meurt d’aimer.
Ce que dit le magistère de l'Eglise catholique :
CEC 618: La Croix est l’unique sacrifice du Christ " seul médiateur entre Dieu et les hommes " (1 Tm 2, 5). Mais, parce que, dans sa Personne divine incarnée, " il s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme " (GS 22, § 2), il " offre à tous les hommes, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal " (GS 22, § 5). Il appelle ses disciples à " prendre leur croix et à le suivre " (Mt 16, 24) car " il a souffert pour nous, il nous a tracé le chemin afin que nous suivions ses pas " (1 P 2, 21). Il veut en effet associer à son sacrifice rédempteur ceux-là même qui en sont les premiers bénéficiaires (cf. Mc 10, 39 ; Jn 21, 18-19 ; Col 1, 24). Cela s’accomplit suprêmement pour sa Mère, associée plus intimement que tout autre au mystère de sa souffrance rédemptrice (cf. Lc 2, 35)