Voilà un mot qui dans son usage religieux a un petit parfum suranné. Comme ils nous semblent lointains, les grands débats des siècles précédents sur les œuvres et la Grâce, sur la Grâce suffisante. Comme elles sont étrangères, ces piétés du 19° siècle qui comptabilisent les grâces du Seigneur avec le sérieux d’une comptabilité boutiquière. Voilà qui n’entre plus guère dans nos façons de parler, de penser, de prier. Et pourtant… Écoutons d’abord le mot pour ce qu’il signifie en langage courant : légèreté, élégance, délicatesse. Il y a dans le mot quelque chose de radieux, comme un matin d’été parfait, comme une amoureuse qui se sait aimée, comme des parents penchés sur le sommeil de leur enfant.
Nous sentons bien la parenté de cette grâce avec la beauté et la perfection.
Il manque encore au tableau de la grâce son caractère gratuit. L’instant se donne à nous, sans raison, sans prix, sans effort.
Telle est la Grâce de Dieu, loin des pesantes définitions et des petits calculs. C’est d’abord un beau geste de Dieu. La Grâce est donnée pour rien, pour la beauté du geste, parce que Dieu est Dieu, et que l’élégance, la beauté, la gratuité lui appartiennent. La Grâce est un don sans retenue, sans mécompte, sans escompte. La Grâce ne se divise pas. De la part de Dieu, elle n’existe qu’au singulier, entière, et parfaite. Et tout ce que nous pouvons faire, c’est rendre grâce, c’est-à-dire, comme pour la Gloire, rendre à Dieu ce qui est à lui, ce qui est lui.
Oui, la Grâce, c’est la beauté de Dieu, sa perfection, répandue, irradiée, communiquée en abondance, en surabondance. À nous de nous laisser saisir, illuminer.
Mais enfin diront d’aucuns, vous semblez oublier que d’abord la Grâce nous sauve. Je ne l’oublie pas, je ne dis même que cela. Elle nous sauve de notre pesanteur, de notre obscurité, de nos mesquineries agioteuses.
Alors, d’autres diront : « Vous avez sérieusement éveillé notre intérêt ; cette Grâce, est-ce qu’on peut la voir ? ». Mais bien sûr, elle a un nom et un visage, celui du plus gracieux des enfants des hommes, un nom simple, Jésus. N’est-il pas le beau geste de Dieu par excellence ?
Maintenant, j’hésite sur la formulation : dois-je dire : « Jésus le Christ en qui la Grâce de Dieu s’incarne » ou « Jésus le Christ qui incarne la Grâce de Dieu » ?
Je vous laisse choisir.
Et en guise de méditation, je vous invite à relire la scène de la synagogue de Nazareth, au chapitre 4 de l’évangile selon saint Luc, du verset 16 au verset 22.
Il vint à Nazareth où il avait été élevé, entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit :
L’Esprit du Seigneur est sur moi,
parce qu’il m’a consacré par l’onction,
pour porter la bonne nouvelle aux pauvres.
Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance
et aux aveugles le retour à la vue,
renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur.
Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture. » Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche.