Non, l’humanité n’est pas l’autre nom de l’espèce humaine. Le terme ne désigne ni une caractéristique biologique ni une réalité sociologique. Et même si on l’utilise parfois pour désigner l’ensemble des humains, il désigne surtout une sorte de tautologie, c’est-à-dire la capacité des êtres humains à être vraiment humains. Et il faut bien avouer que c’est bien notre spécificité à nous les humains, de penser ce que nous sommes, et même ce que nous devrions être. Que je sache, mon chat, bien qu’il se donne un air de profonde méditation, ne pense pas sa félinité.
Si j’étais philosophe, il me faudrait de longues pages pour essayer de cerner l’humanité, mais, Dieu merci, et je pèse mes mots, la chose m’est plus aisée, puisque j’ai sous les yeux, si j’ose dire, le modèle parfait de l’humanité. En effet, qui mieux que Jésus peut incarner l’humanité ?
Évidemment, ça place la barre un peu haut. Non parce qu’il est « Dieu né de Dieu », mais parce qu’il accomplit l’humanité. Un père de l’Église, dont j’ai oublié le nom, (Irénée, peut-être) dit que Dieu avait les yeux fixés sur le Christ quand il créa l’homme. J’ai toujours aimé cette façon de voir, cet audacieux renversement du temps qui fait du Fils incarné le modèle de l’humanité.
Dès lors, notre vocation est simple (je n’ai pas dit facile). Il faut nous humaniser, jusqu’au bout, jusqu’à devenir comme le Christ, nous laisser « christifier ».
C’est ainsi que j’entends la prière de l’offertoire, au moment où le prêtre verse quelques gouttes d’eau dans le calice rempli de vin : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. »
Le « bout » de l’humanité, c’est l’union à la divinité. Inutile donc de tenter de nous élever vers la divinité à la force du poignet où de la volonté, comme si nous voulions échapper à notre condition. Inutile de tenter de faire les anges au risque de finir bêtes. Au contraire, entrons davantage en humanité car c’est là que nous accomplissons notre vocation, là que Dieu nous attend.
Une fois encore, la méditation de l’Écriture me semble appropriée, et qui peut prétendre avoir jamais épuisé la puissante inspiration de l’hymne de la lettre aux Philippiens (2,6-11)
Le Christ Jésus,
lui qui est de condition divine
n’a pas revendiqué son droit d’être traité comme l’égal de Dieu
mais il s’est dépouillé
prenant la condition d’esclave.
Devenant semblable aux hommes
et reconnu à son aspect comme un homme
il s’est abaissé
devenant obéissant jusqu’à la mort
à la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé
et lui a conféré le nom qui est au-dessus de tout nom
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse
dans les cieux, sur la terre et sous la terre
et que toute langue proclame que le Seigneur c’est Jésus Christ
à la gloire de Dieu le Père.