Voilà un mot dont il faut s’approcher avec crainte et tremblement. Certes, c’est un grand mystère, mais d’abord, pour les imprudents qui arrivent avec leurs gros sabots, leurs mots, leurs idées et leurs concepts, c’est une belle cause de chute. De chute dans l’hérésie, et il y a des précédents célèbres, comme Arius et Nestorius, qui non seulement ont trébuché, mais ont de surcroît entraînés beaucoup de gens à leur suite.
Il faut bien dire que pour l’intellectuel ou le philosophe, la tâche n’est pas aisée. Parce que quand même il faut savoir de quoi on parle ! Comme disait un penseur moins poli que moi : « Dieu est Dieu, nom de Dieu ! ». Eh bien non. C’est tout le problème : Dieu est homme. Tout philosophe sensé haussera les épaules : ça ne se peut pas.
Ça, ce sont les sensés. Les insensés ne se découragent pas si facilement. Mais si, ça va rentrer ! Dieu, infini, omniscient, tout puissant, va rentrer dans la carcasse humaine ! Si, allez, encore un effort, on va trouver la bonne formule et les mots pour le dire. Le dire, passe encore, le comprendre…
Dieu tout puissant dans la chair d’un pauvre homme abandonné, pendu au bois de la croix en déni de toute justice ? C’est possible ça ? Alors, on atermoie, on négocie, on raconte des histoires : « on dirait qu’il était en figure d’homme ».
Mais il y a Jésus qui nous embête : « qui me voit, voit le Père », déjà, c’est rude à assimiler. Mais quand sur la croix, il gémit « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné », j’allais dire on jette l’éponge, mais ce serait de trop mauvais goût.
Oui, je fais des blagues nulles, pour essayer d’échapper au plus difficile.
Parce que, nous qui demandons sans cesse ce que fait le « bon Dieu » pendant qu’il se passe tant de malheurs et d’injustices, est-ce que nous nous sommes demandé où il était quand Jésus expirait sur la croix.
Crainte et tremblement ! Et cette fois pour une excellente raison, non parce que nous avons peur de l’hérésie, mais parce que la vérité que nous approchons suscite en nous un sentiment d’effroi émerveillé. Et si c’était vrai ? Et si Dieu n’était pas ce qui nous croyons ? Là, nos mots se taisent ; ils ne sont pas de taille. L’intelligence nous manque, mais la foi pressent l’inconcevable. Ce Dieu là échappe aux concepts et aux dogmes.
Il n’y a plus que la contemplation. Il n’y a que l’adoration.
Vous ne serez pas étonnés qu’une fois encore, je nous propose de reprendre l’hymne aux Philippiens. (2,6-11) parce que saint Paul n’est pas seulement un grand théologien, c’est d’abord un grand spirituel
Le Christ Jésus,
lui qui est de condition divine
n’a pas revendiqué son droit d’être traité comme l’égal de Dieu
mais il s’est dépouillé
prenant la condition d’esclave.
Devenant semblable aux hommes
et reconnu à son aspect comme un homme
il s’est abaissé
devenant obéissant jusqu’à la mort
à la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé
et lui a conféré le nom qui est au-dessus de tout nom
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse
dans les cieux, sur la terre et sous la terre
et que toute langue proclame que le Seigneur c’est Jésus Christ
à la gloire de Dieu le Père.