Oui, c’est forcément un mot qui fait peur. On songe aux anges à la pesée, qui de vitraux en fronton de cathédrale soupèsent les âmes à leur poids de péché. Sauvé, damné. Ne se prononce pas. (Pas encore, on verra après le purgatoire). Jésus lui-même n’y va pas par quatre chemins. La grande scène du chapitre 25 dans l’évangile de Matthieu montre bien le partage entre ceux qui ont accordé un verre d’eau à un petit, visité un malade, et les ceux qui sont passés sans les voir.
Il semble pourtant que l’objectif de Dieu ne soit pas de juger mais de sauver. Alors comment concilier ces images de jugement qui abondent dans l’Évangile, et la promesse du Salut, promesse adressée tous azimuts, en particulier à l’égard de ceux qu’on nomme volontiers « réprouvés », filles de rien et hommes de peu.
D’abord, regardons du côté de la peur. L’évangile nous rapporte le cas du serviteur qui a enfoui son talent sans le faire fructifier. Que se passe-t-il. Et bien, c’est ce serviteur paresseux qui juge le maître : « Seigneur, dit-il, j’ai appris à te connaître pour un homme âpre au gain : tu moissonnes où tu n’as point semé, et tu ramasses où tu n’as rien répandu. Aussi, pris de peur, je suis allé enfouir ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien. »
Ce serviteur veut être « quitte ». Fin de ses relations avec ce maître !
Dans la parabole des ouvriers de la dernière heure, on voit de nouveau les ouvriers juger la générosité du maître. Et au jaloux, le maître répond : « faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ? »
Alors, est-ce qu’il y aura un jugement ? Sans hésitation, je réponds oui, parce que Dieu ne nous prend pas pour des enfants irresponsables, et nous aurons à répondre de notre vie. La grande question, c’est quel droit de regard accorderons-nous à Dieu ? Craindrons-nous le regard de Dieu, ou serons-nous capables de nous y exposer, de dire comme le psalmiste :
Sonde-moi, ô Dieu, connais mon cœur,
scrute-moi, connais mon souci ;
vois que mon chemin ne soit pas fatal,
conduis-moi sur le chemin d’éternité (Ps 138, 23-24)
Car la vérité, c’est que la justice de Dieu ne nous juge pas, elle nous justifie, elle fait triompher le bien sur le mal, jusque dans notre propre cœur, mais pas sans notre consentement. Et si nous devons nous tenir à l’issue de notre chemin sur cette terre, sous le regard de Dieu, pour qu’en nous, le mal soit définitivement détruit et le bien exalté, je nous recommande d’y consentir chaque jour dès aujourd’hui. En cette matière, mieux vaut, me semble-t-il un peu d’entraînement.
CEC 681 Au Jour du Jugement, lors de la fin du monde, le Christ viendra dans la gloire pour accomplir le triomphe définitif du bien sur le mal qui, comme le grain et l’ivraie, auront grandi ensemble au cours de l’histoire.