Je crains que sur la question du mariage, ma position ne soit pas encore officiellement enregistrée par le corpus de la doctrine catholique. Mais parfois, il faut des défricheurs, donc, risquons-nous.
Une première précision : nous sommes face au mariage devant une double tradition. D’une part, il y a, fondée dans l’Écriture, d’Osée à saint Paul, une vision grandiose du mariage, comme image de l’alliance de Dieu avec son peuple, du Christ avec son Église, et d’autre part, une pratique qui n’instituera que très tardivement (vers le XII° siècle) le caractère sacramentel du mariage, lequel appartenait jusque-là aux usages sociaux que l’Église s’était mise petit à petit (et avec beaucoup de réticence) à bénir. Le mariage est demeuré, bien longtemps une affaire sociale et mondaine, il n’est qu’à voir le théâtre de Molière ; quand on parle mariage, on appelle un notaire, pas un prêtre ! Et c’est encore le cas un siècle plus tard chez Beaumarchais.
Beaucoup plus récemment, pas même deux siècles, nous avons assisté à deux mouvements quasi simultanés. D’un côté, la société a « désocialisé » le mariage pour en faire un acte de plus en plus privé et intime, appuyé sur le sentiment amoureux, de l’autre côté, on voyait naître une sorte de mystique conjugale qui a conduit à développer, au cours du siècle dernier, ce qu’il faut bien nommer une nouvelle théologie du mariage et de la famille.
Simultanément, l’augmentation de l’espérance de vie allongeait d’autant plus la durée potentielle des unions de telle sorte que beaucoup de couples en vinrent à considérer qu’il était plus sage, pour se défaire d’un lien qui était devenu une chaîne, de recourir au divorce plutôt que d’espérer l’improbable mort de l’un des conjoints.
Mettez tous ces éléments dans un shaker, agitez, et vous vous retrouvez dans l’impasse que nous connaissons : aux yeux de l’Église catholique, tout couple, pour être légitime, doit être sacramentellement marié, et le sacrement étant, comme tous les dons de Dieu, irrémissible, sa rupture est un péché qui l’est tout autant.
Alors, que faut-il faire ?
Rompre les enchaînements « vicieux » du raisonnement !
D’abord, reconsidérer la valeur humaine du couple, prise pour elle-même, et en conséquence, bénir, (en grande cérémonie) les époux qui s’engagent à fonder une famille, les appeler à la fidélité, à la responsabilité, à la tendresse, à la générosité, à l’exemplarité de l’amour, les accompagner… Et leur pardonner quand ils n’y arrivent pas ! Leur pardonner et les aider à pardonner, à se pardonner, à pardonner à l’autre. Un immense travail que notre condamnation du divorce nous interdit !
Et réserver à quelques-uns qui en reçoivent l’appel particulier, et après discernement par l’Église, de faire de leur vie conjugale un témoignage vivant de l’amour de Dieu, ce qui signifie effectivement demeurer fidèle, pour toujours, même si l’autre est infidèle ! Ce qui signifie vraiment aimer à en mourir. Ce qui signifie réellement se livrer et donner sa vie pour celui ou celle qu’on aime.
C’est une vision folle et somptueuse que cet amour humain devenant image de l’amour divin. Pense-t-on réellement que c’est ce que Dieu demande à tous les honnêtes hommes et femmes qui s’unissent pour fonder une famille ? Il me semble que c’est un peu comme si l’on imposait à tous les célibataires d’être Chartreux ou Carmélites.
Évangile selon saint Matthieu, 18, 6-7
Mais si quelqu'un doit scandaliser l'un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d'être englouti en pleine mer. Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu'il arrive des scandales, mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive !