Oui, Marie est vraiment l’un des grands « mystères » de l’Église, tout spécialement de l’Église catholique. Si l’on y regarde de près, force est de constater qu’elle occupe, dans le meilleur des décomptes, 1% de l’espace dans les évangiles, un verset dans les Actes des Apôtres, les lettres apostoliques ne la connaissant pas du tout, au point que Paul ne cite pas son nom, ni Jean !
Dans les évangiles, il y a certes une unanimité des quatre auteurs pour la désigner comme la mère de Jésus, mais en dehors des deux récits d’enfance, dont on sait que le genre n’a rien « d’historique », elle est très loin d’être un personnage principal. On m’objectera sa participation décisive dans l’épisode des noces de Cana, je répondrai que précisément ce texte a dans l’Évangile de Jean une ampleur et une valeur symbolique, telles qu’il serait bien illusoire de vouloir en tirer une quelconque information factuelle.
Dans les évangiles, Marie est d’abord absente. Cependant, deux épisodes semblent nous donner l’opinion de Jésus lui-même. Il y a le moment où Marie aidée des frères et sœurs de Jésus tente de le convaincre de « rentrer à la maison » (Matthieu 11, 46-50 et Marc 3, 20-21 puis 31-35 et encore Luc, 8, 19-21). La réponse de Jésus est unanime dans les trois textes synoptiques, et sans appel : « Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère et une sœur et une mère ».
De façon plus précise encore, le passage situé un peu plus loin dans l’évangile de Luc, ne devrait-il pas nous faire réfléchir plus encore : « Or il advint, comme il parlait ainsi, qu'une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : «Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins que tu as sucés !» Mais il dit : «Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent !». Nous sommes en Luc 11, 27-28, quelques lignes après que Jésus a confié à ses disciples de Notre Père… On aurait bien envie de mettre les deux en rapport !
Alors, pourquoi, pourquoi cet extravagant déploiement du culte marial ? J’ai envie de dire, ce boursouflement ? Certes, je voudrais croire que Marie conduit toujours à son fils, mais j’observe que dans bien des cas, le développement du culte marial le cache.
Je peux certes comprendre qu’elle soit un bon média (une bonne médiatrice) pour notre méditation de l’Incarnation. Mais dans la figure symbolique qu’elle représente, je demeure étonné que l’on ait passé par pertes et profits l’époux que Dieu avait pris la sage précaution de lui donner. Pourquoi, alors qu’elle fut sur terre une honorable épouse et mère de famille, est-elle devenue fille-mère (certes vierge) au ciel de nos dévotions ?
Pourquoi ? Permettez que j’esquisse une réponse en une ligne : quand on oublie que Dieu est toute miséricorde et tendresse, que l’on en fait le représentant impitoyable d’une loi d’airain, qu’on le transforme en père noble qui accepte le « sacrifice » de son Fils pour sauver son « honneur » bafoué par le péché, ne nous étonnons pas de nous trouver une tendre mère pour intercéder en notre faveur.
La prière de saint Bernard (1090-1153) est certainement la plus claire illustration de mon propos :
Souvenez-vous,
ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu'on n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre secours et demandé votre intercession, ait été abandonné. Animé de cette confiance, je me réfugie vers vous, ô Vierge des vierges, ô Marie, Mère de Jésus-Christ, je viens à vous, je cours à vous, et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. O Mère du Verbe éternel, ne rejetez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement et daignez les exaucer.
Ainsi soit-il.
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