À en croire ma rigide grand-mère, quelles que soient les circonstances, on n’avait jamais fait que son devoir, ce qui ne nous donnait donc aucun mérite. Mais les courants les plus pessimistes du christianisme vont plus loin, non seulement nous n’avons aucun mérite, mais si nous « méritons » quelque chose, ce n’est que la rigoureuse condamnation de nos fautes, et le juste courroux de Dieu.
Il ne faut pas s’étonner, si une telle vision a jeté bien des croyants dans la détresse, voire dans la révolte. N’est-ce pas là, la vision d’un Dieu qui donnerait un serpent à celui qui demande un poisson et une pierre à celui qui implore du pain.
Alors, mérite, ou pas mérite ?
La question n’est pas de savoir si nous avons à l’égard de Dieu une dette que nous pourrions d’une quelconque façon « payer » par nos mérites, même si malheureusement, une part importante de la théologie l’a posée ainsi.
L’alliance que Dieu noue avec l’humanité n’est pas un contrat au sens classique et juridique du terme. C’est de la part de Dieu, un engagement, un engagement irrévocable et sans condition (donc sans mérite) de notre part. Quelle est donc notre part du contrat ? Le signer, tout simplement, accepter le don : « bon pour accord ». Et c’est tout. Pour le reste, Dieu fait tout, comme le berger qui ramène la brebis sur ses épaules.
Vraiment, on ne peut rien faire ? Si, « Dieu merci », au sens propre du jeu des mots, dire merci, rendre grâce, se réjouir, exulter dans le Seigneur…
Le seul véritable obstacle est notre lamentable esprit comptable qui nous fait soupçonner un vice caché dans le contrat. Oui, on peut rejoindre les esprits chagrins et dire : « c’est trop beau pour être vrai ». On peut ne pas ouvrir les paquets au matin de Noël, parce qu’on ne veut rien devoir à personne, parce qu’on n’est plus des gosses ou parce qu’on craint d’être déçu. Et c’est là que se cache le péché.
Dernière chose, l’engagement de Dieu, c’est quoi ? C’est précisément ce qu’on découvre en « ouvrant le paquet », et il faut au moins une vie pour cela. L’avantage, c’est que c’est Noël tous les jours ! Pour mon propre compte, et sous bénéfice d’inventaire, je dirais que Dieu s’engage pour le sens contre l’absurde, pour la confiance contre le soupçon, pour la bienveillance contre le cynisme, pour le pardon contre la vengeance, pour la gratuité contre l’agiotage…
Saint Paul ne dit rien de très différent dans l’Hymne à l’amour de Dieu au chapitre 8 de la lettre aux Romains :
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Lui qui n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ?
Qui se fera l'accusateur de ceux que Dieu a élus ? C'est Dieu qui justifie. Qui donc condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort, que dis-je ? ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous ?
Qui nous séparera de l'amour du Christ ? la tribulation, l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? selon le mot de l'Écriture : À cause de toi, l'on nous met à mort tout le long du jour ; nous avons passé pour des brebis d'abattoir. Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés.
Oui, j'en ai l'assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur.