Le mot peut évoquer quelques belles images d’Épinal : mamies à cheveux bleus bramant des Ave, jeunes gens à cheveux et idées courtes, brandissant des bannières, ou chemineau médiéval appuyé sur son bâton, arborant une belle coquille saint-Jacques à son revers. C’est dire que même si le goût des pèlerinages revient, il a quand même un petit côté « vintage ».
Si on y regarde de plus près, tout cierges, oriflammes et coquillages balayés, reste l’idée de la marche. Et ça, n’en déplaise à ceux qui en ont assez de devoir « cheminer » à longueur de sermon, c’est une idée si profondément chrétienne qu’elle précède le Christ. En effet, le peuple d’Israël, d’Abraham à Moïse découvre Dieu qui le met en route et marche devant lui. Dès sa venue sur cette terre, Jésus met tout le monde sur la route, Marie part chez sa cousine Élisabeth, Joseph emmène son épouse à Béthléem, puis conduit sa famille en Égypte, les mages d’Orient suivent l’étoile. Fort logiquement, Jésus appelle ses disciples, en leur disant « Viens et suis-moi », et l’Évangile se conclut par un vigoureux « Allez » qui a bel et bien mis les disciples sur les routes et les mers jusqu’au-delà des limites du monde connu au long des siècles.
Toutes ces observations fort sérieuses font sonner juste la jolie blague suivante : « Jésus dit à ses disciples ; “Allez voir la-bas si j’y suis”, ils y allèrent, et en effet, il y était. »
En effet, la marche est le destin du chrétien, sa « feuille de route », son ordre de mission.
À quoi s’ajoute qu’en un temps qui est celui de la vitesse, des déplacements, des voyages, la la nostalgie d’un catholicisme villageois, centré sur l’église paroissiale, et dont on ne s’éloignait guère qu’à portée de cloche paraît assez peu opératoire.
Aussi, plutôt que de regarder avec soupçon cette modernité agitée et mouvante, acceptons de nous remettre en route. Au lien de nous croire « arrivés », forts de nos certitudes, de nos dogmes, de nos cathédrales, regardons avec bienveillance et reconnaissance ce monde en mouvement qui nous oblige à retrouver la légéreté du nomadisme… et nos origines, celles de nos ancêtres dans la foi qui furent « des araméens errant ».
Il y a fort à parier que nous découvrirons que la blague dit vrai : « En effet, il y est ». Jésus n’est pas enfermé dans nos certitudes, il ne nous attend pas à l’abri du tabernacle. Il est celui qui marche avec nous comme il a marché au côté des pélerins d’Emmaüs, celui que nous reconnaissons difficilement, de façon fugace, mais qui nous laisse le cœur brûlant.
Où demeure le maître qui n’a pas une pierre où reposer la tête ? Écoutons sa réponse : « Venez et vous verrez »
Alors, certes, nous pouvons aller à Lourdes, à Saint-Jacques, à Rome ou à Jérusalem, mais ces périples ne sont que les métaphores d’une vie chrétienne authentique, vie d’aventuriers et de chercheurs, vie de quête et de désir, en un mot, vie de pèlerin.
Finale de la Prière eucharistique pour les circonstances particulières :
Et lorsque prendra fin notre pèlerinage sur la terre, accueille-nous dans la demeure où nous vivrons près de toi pour toujours. En union avec la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec les Apôtres, les martyrs et tous les saints du ciel, nous pourrons alors te louer sans fin et magnifier ton nom par Jésus, le Christ, ton Fils bien-aimé.