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2 avril 2012 1 02 /04 /avril /2012 21:21

 

Encore un mot que devrait par excellence nous tenir dans la paix et l’unité qui nous sépare et nous déchire. Faut-il, comme disaient les mamans à leurs enfants indociles, « que nous ayons le diable » !

Mais de quoi s’agit-il quand nous parlons de présence réelle ? De la certitude que nous avons que Jésus le Christ, mort et ressuscité est vraiment, (pour de vrai) présent dans la célébration eucharistique, mais aussi des mots dont nous usons pour le dire. Les définitions de l’Église catholique insistent en disant que le Christ est réellement présent SOUS la forme du pain et du vin Si je souligne le mot « sous », c’est pour insister sur la forme choisie par l’Église. sous n’est pas dans. Pourquoi ? Tout simplement parce que le pain et le vin, d’une certaine façon, « voilent » la réalité. La réalité, c’est le Corps et le Sang du Seigneur, la forme, c’est le pain et le vin. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter Jésus lui-même le soir le la Cène. Il prend le pain, le partage et dit : « Prenez, ceci est mon corps », puis il bénit la coupe et la leur donne en disant « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude ». (Mc 14 22-24) Évidemment, ce que dit Jésus est totalement vrai. Or, à cet instant, il est présent physiquement en chair, en os, en sang. Le pain et le vin sont bien cependant sa vie livrée, sa chair donnée, son sang versé. Ils le sont vraiment par anticipation, comme ils le sont vraiment dans nos messes célébrées 20 siècles plus tard. Car la réalité dont parle Jésus transcende le temps, elle appartient à l’éternité, au présent éternel de Dieu. Voilà le véritable miracle de la présence qu’accomplit la célébration eucharistique. Le temps est comme transpercé afin que l’événement qui sauve le monde, le don que Jésus Christ fait de sa vie, sa mort par amour, et sa résurrection soit toujours et à jamais présent et efficace pour nous. L’apôtre Paul dans une fulgurance, le dit magnifiquement : « quand vous mangez ce pain et buvez à cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». (1 Cor 11, 26). Cette présence du Christ dans l’eucharistie n’est pas une chose dont nous pourrions nous saisir, mais un événement qui nous saisit. Saint Paul, toujours lui, écrit ; « la coupe que nous bénissons, n'est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au corps du Christ » et immédiatement il ajoute, et on l’oublie trop souvent : « Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce pain unique ». (1 Cor 11, 16-17)

Le mystique médiéval Jean Tauler méditant sur l’eucharistie nous invite à nous laisser « mâcher par Dieu ». Ce faisant, lui aussi renverse notre vison, il ne s’agit pas de « posséder » le Christ mais de nous laisser posséder par lui, et de devenir tous ensemble, le pain de Dieu. Car si en effet, l’eucharistie est la forme la plus accomplie de la présence du Christ, ce n’est pas seulement dans les saintes espèces, mais aussi dans la communauté des hommes et des femmes qui sont par la communion eucharistique unis au Corps du Christ et en qui se révèle aussi la présence réelle du Seigneur.

Devant une si grande merveille, dont nous n’épuiserons jamais le sens, seule l’humilité convient. Les tentatives produites pas l’intelligence humaine, fut-elle celle de l’Église, n’enfermeront pas la présence eucharistique dans l’étreinte des mots. L’eucharistie a une dimension qui nous dépasse et qui nous échappe. Que Dieu nous garde de la tentation idolâtrique, celle qui nous fait rêver de pouvoir tenir entre nos mains, saisir avec nos mots la grandeur de Dieu.

 

« Adoro te devote », hymne eucharistique rédigé par Saint Thomas d’Aquin.

Adoro te devote, latens Deitas,

Quæ sub his figuris vere latitas :

Tibi se cor meum totum subjicit,

Quia te contemplans totum deficit.

Je T’adore profondément, divinité cachée,

vraiment présente sous ces apparences ;

à Toi mon cœur se soumet tout entier

parce qu’à Te contempler, tout entier il défaille

Visus, gustus, tactus in te fallitur,

Sed auditu solo tuto creditur :

Credo quidquid dixit Dei Filius :

Nil hoc Veritatis verbo verius.

La vue, le goût, le toucher ne T’atteignent pas :

à ce qu’on entend dire seulement il faut se fier ;

je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu ;

rien de plus vrai que cette parole de la Vérité.

 

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commentaires

X
<br /> <br /> Sur le chemin d'Emmaüs, c'est au pain rompu que les disciples vont reconnaître le Christ [Luc 24,30-31]. Cette rencontre, nous sommes<br /> invités à la faire nous aussi, à travers l'Eucharistie, le Christ au milieu de nous [Mt 18,20], en communion avec l'autre. Aussi petit qu'il soit, nous savons qu'il est une part du Christ [Mt 25,40] et que nous sommes invités à l'aimer. Dans ma vie, la Présence réelle se<br /> manifeste là plutôt que dans le pain. Je ne cherche pas<br /> à l'expliquer, je ne peux qu'en témoigner. Je méditerai cela<br /> ce soir en écoutant le récit de la Cène. Merci pour vos réflexions qui nous accompagnent sur ce chemin « vers le Christ ». Bonne fêtes de Pâques à tous.<br />
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P
<br /> Permettez-vous, cher ami, permettez-vous! Surtout pour nous donner des précisions aussi savantes qu'utiles. En effet, cette expression appartient à la théologie "polémiste" de la Contre Réforme.<br /> et aujourd'hui encore, elle est utilisée comme un marqueur clivant: les "mauvais" catholiques ne croiraient pas "vraiment" à la présence réelle et ferait mieux d'aller se faire voir chez les<br /> protestants.<br /> <br /> <br /> Je suis bien sûr pleinement en accord avec votre observation sur la question du temps et celle du lieu. C'est bien ce que j'ai tenté de dire. <br /> <br /> <br /> Sinon, sur le Adoro te, j'ai pris la traduction dans le Catéchisme de l'Église catholique, et je dois reconnaître, à ma grande honte, que mon latin n'est assez fluide pour que je songe<br /> une seconde à proposer une traduction personnelle.<br />
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P
<br /> Si je puis me permettre...<br /> <br /> <br /> L'expression de présence réelle est utilisée semble-t-il pour la première fois, du moins dans un document magistériel, en 1264 par le Pape qui demande à Thomas d'écrire l'office de la<br /> Fête Dieu. Or Thomas n'aime pas cette expression et il ne la reprend pas. Thomas n'aime pas parler de présence, parce que qui dit présence dit lieu, localisation, ce qui en vocabulaire<br /> scolastique, est guère compatible avec la substance. Le recours au vocabulaire de la substance voulait précisément éviter les questions de lieux (sous, dans, etc) et autres matérialisation.<br /> <br /> <br /> La traduction de l'adoro te qui emploie le mot de présence est donc particulièrement inopportune.<br /> <br /> <br /> Ce n'est qu'avec la polémique anti-protestante, après le Concile de Trente donc, à la fin du XVIe siècle, que le terme de présence réelle s'impose.<br /> <br /> <br /> Certes, on n'est pas obligé de faire de l'archéologie théologique, mais tout de même, cela permettrait de relativiser l'opportunité de telle ou telle expression.<br /> <br /> <br />  <br />
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