« Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
« Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus, il voulait montrer, au long des âges futurs, la richesse infinie de sa grâce. »
Si se convertir c’est épouser le regard et la volonté de Dieu, les textes que nous entendons en ce dimanche sonnent comme un programme qu’il serait urgent de mettre en œuvre. Pour nous-mêmes mais également pour l’Eglise.
La question est simple : sommes-nous témoins de la richesse infinie de la grâce de Dieu ?
La prédication de l’Evangile à laquelle nous sommes tous appelés, par nos paroles et par nos actes, permet-elle aujourd’hui « que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. » L’image que nous donnons de nous-mêmes mais également de notre religion est-elle celle du Christ Jésus par qui Dieu a souhaité manifester qu’il ne venait pas juger mais sauver ? Mais, avant tout, sommes nous convaincus que celui qui agit c’est Dieu et que Dieu est libre ?
Evidemment, on m’objectera, à raison, que d’autres passages du Nouveau Testament font référence explicitement au jugement de Dieu. Mais ce jugement, même s’il se fonde sur nos actes, n’en demeure pas moins un jugement appuyé, en définitive, sur la seule liberté de Dieu.
On me dira aussi que, quand même, Jésus a confié à ses disciples (Mt 18,18) et de manière éminente à Pierre (Mt 19,16) le pouvoir de lier et de délier. Mais peut-on raisonnablement penser que ce pouvoir contraigne Dieu s’il n’est pas utilisé dans la droite ligne de sa volonté de Salut ?
Alors reste la question de nos actes. Nos actes sont extrêmement importants car ils traduisent notre volonté et, dans notre relation à Dieu, manifestent notre attachement au don qu’il nous fait et témoignent de notre souhait de cheminer avec lui. Mais, si nous parlons de conversion, nos actes passés qui forment notre histoire, ne peuvent nous empêcher de poser des actes nouveaux plus conformes au don de Dieu. Nos actes passés ne peuvent nous contraindre à rester loin de Dieu, exclus de la communion au Christ Jésus. Car Dieu a la liberté de venir dans notre histoire bouleverser le cours de notre vie. Et nous avons la liberté d’accueillir Dieu dans notre histoire et de changer le cap de notre vie. Et si le don de Dieu est constant, nous savons bien que notre choix de l’accueillir, lui, est chaotique. Le chrétien comme l’Eglise est perpétuellement appelé à la conversion.
Cette irruption de Dieu n’efface pas nos histoires, elle n’efface pas davantage celle de l’Eglise.
L’enjeu du témoignage de la grâce infini de Dieu se situe, je crois, à ce point précis :
Dans le Christ ressuscité, l’homme converti ressuscite avec les plaies de son passé, avec son histoire et sa profondeur faite d’erreurs et de grandeurs. Convertir son regard pour qu’il soit acte de salut et non de jugement, c’est accepter l’autre tel qu’il est tout en croyant qu’à tout moment il peut se laisser saisir par Dieu. C’est attester qu’en aucun cas son passé n’épuise l’amour de Dieu.
Cette conversion radicale de notre regard sur le monde est essentielle pour entrer dans le chemin de Dieu, dans la vérité de Dieu, dans la vie de Dieu. Et cette conversion, l’Eglise entière y est appelée, car tant qu’elle ne saura pas accueillir vraiment le pécheur pour l’intégrer à la vie de Dieu sans lui demander de renier son histoire, elle se verra répondre que son témoignage n’a pas de valeur, elle dont l’histoire est marquée d’errements bien plus graves que ceux de la plupart de nos contemporains.