Les textes :
Isaïe : 6. 1-8
Psaume 137
1ère lettre aux Corinthiens : 15. 1-11
Evangileselon saint Luc : 5. 1-11
Jésus est entouré par la foule qui se presse pour entendre la parole de Dieu. Tous ces hommes et ces femmes sont tellement proches de lui qu’il ne peut pas leur parler, qu’ils ne peuvent pas l’entendre. Pour les enseigner il doit demander à Simon de monter dans sa barque afin de s’éloigner un peu pour pouvoir annoncer la parole de Dieu, sa parole. La parole a besoin de distance pour résonner, pour être entendue. Cette distance peut-être une distance physique, comme ici, ou une distance temporelle qui permet l’assimilation, la compréhension, la digestion de la parole. Cette distance temporelle, les quatre premiers apôtres vont la vivre en laissant tout (encore une prise de distance) et en suivant Jésus pour petit à petit comprendre son enseignement.
Mais là encore, la compréhension ne sera vraiment totale que quand Jésus aura pris une nouvelle distance. Alors, après sa mort et sa résurrection, après les apparitions du Christ ressuscité, ils se souviendront de ce qu’il avait dit, comprendront la réalité de la promesse de Dieu, et se mettront, comme Jésus, en route pour l’annoncer. Alors, d’autres foules se rassembleront autour d’eux, d’autres hommes et d’autres femmes se détacheront de ces foules et à leur tour reprendront le flambeau pour annoncer la Parole. C’est ce que nous dit Paul dans ce passage de la première lettre aux corinthiens : la transmission de la parole de Jésus est appuyée sur le souvenir transmis du Christ ressuscité, apparu aux premiers chrétiens, Jésus avec qui ils avaient cheminé et dont ils avaient entendu la parole. Tel est le trésor vivant de l’Eglise que nous devons à notre tour transmettre.
Et d’ailleurs, contrairement à Marc et à Matthieu, Luc insère dans ce récit de l’appel des premiers disciples un récit de pêche miraculeuse. Une pêche qui donne une nourriture en abondance, une nourriture qui sera abandonnée à la foule puisque les quatre pêcheurs partiront avec Jésus. A la manière de Jean, Luc nous offre un signe mystérieux qui nous met sur le chemin de l’eucharistie et qui nous dit aussi le lien extrêmement puissant entre le partage de la Parole et celui de la Nourriture que nous vivons chaque dimanche à la messe. C’est après ce signe que Simon comprend que le maître est le Seigneur. C’est après ce signe qu’il se met à sa suite.
Et là encore, il est question de mise à distance. « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. », dit Simon à Jésus en le reconnaissant. Une exclamation que la liturgie nous invite à lire en parallèle de celle d’Isaïe « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l'univers ! » Mais là, point besoin d’ange et de charbon ! Jésus est le Seigneur et c’est sa présence, sa parole et son amour pour l’homme qui le purifient et le rendent digne de cheminer avec lui.
Car la distance dont il est question dans cet évangile, n’est pas une distance qui sépare mais au contraire une distance qui lie l’homme à Dieu dans une véritable (re)connaissance. Le désir de la foule est immense, le désir des hommes et des femmes de notre temps tout autant. Mais pour reconnaître Celui que leurs cœurs cherchent, il est nécessaire que des hommes et des femmes se détachent, montent sur la barque, et l’annoncent. L’Eglise est cette barque. Avec le temps, elle s’est peut-être transformée, pour certains, en une nef voguant trop loin du bord. C’est pourquoi il faut toujours se rappeler que cette distance nécessaire a sa finalité dans la proximité des hommes et des femmes. Jésus et ses quatre pêcheurs sont redescendus de la barque et ont sillonné le pays pour être des pêcheurs d’hommes. « Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. »
J'entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j'ai répondu : « Moi, je serai ton messager : envoie-moi. »