« Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »
Les vitres de nos fenêtres sont tellement sales que la lumière que nous gardons jalousement n’éclaire plus le monde. Certes nous l’avons mise sur le lampadaire pour qu’elle éclaire notre maison, l’Eglise, mais pour, soi-disant en assurer la pureté, nous avons tellement orné le lampadaire que la lumière ne brille plus que pour ceux qui savent que derrière les ornements il y a cette pure lumière.
Mais qui sommes nous pour croire que nous pouvons assurer la pureté de Dieu. Est-ce là la mission que Dieu nous a confiée ? Dieu nous a-t-il demandé de retisser le rideau du Temple pour le protéger ? Non, il nous a demandé de porter cette lumière aux nations, d’en faire un phare pour tous les hommes et toutes les femmes. Le Christ est-il resté caché au milieu de ces disciples ? Non, il s’est exposé au monde, jusqu’à faire briller sa lumière sur le lampadaire de la Croix.
L’évangile de ce jour est la suite immédiate des Béatitudes que nous avons lues dimanche dernier. Ces deux textes sont l’introduction au grand discours sur la Montagne de Jésus. Il n’y a pas de vie en Dieu, de vie avec Dieu, qui ne soit pas missionnaire. Il n’y a pas de pureté qui ne se risque à la contradiction et à la liberté des hommes et des femmes avec lesquels nous vivons. Notre position n’est pas facile, comme Paul nous sommes dans la faiblesse, craintifs et tous tremblants. Mais c’est dans cette position que Dieu nous rend fort, non quand nous sommes forts et sûrs de nous.
En souhaitant ouvrir les fenêtres de l’Eglise, Jean XXIII et le deuxième concile du Vatican ont souhaité que l’Eglise reprenne son dialogue missionnaire avec le monde mais également avec elle-même. Un dialogue missionnaire qui soit fondé sur le Christ lumière du monde, ce Christ qui doit éclairer le monde mais également nos pratiques. En signant leur pétition intitulée "Eglise 2011: un renouveau indispensable", les 140 théologiens allemands, suisses et autrichiens, font leur devoir. Celui de questionner l’Eglise au nom du Christ. Tout ce qu’ils demandent n’est peut être pas à faire, mais leur questionnement de fond est celui qui doit mener l’Eglise : comment rester fidèles à la mission qui nous a été confiée. Nous sommes perçus, et je ne crois pas totalement à tort, comme une institution et non plus comme le peuple des disciples du Christ. Nous avons créé un langage, une sagesse qui veut convaincre, où, finalement, le Christ est devenu un argument alors qu’il devrait être l’unique objet de nos pensées, l’unique intérêt de nos cœurs. Ecoutons Paul !
Les frileux de Dieu ont crié et continuent de crier qu’il fallait vite refermer ces fenêtre car il y avait des courants d’air et que l’Eglise allait tomber malade. La belle affaire ! Nous célébrons Jésus Christ, ce Messie crucifié pour avoir dialogué avec le monde, pour avoir annoncé la merveilleuse promesse de Dieu au monde, et nous aurions l’outrecuidance d’avoir peur d’un rhume ou d’une bronchite ? Qu’importe si ces courants d’air font valser quelques unes des pages humaines écrites par notre Eglise depuis 2000 ans. Peut-être nous permettront-ils de remettre la main sur quelques pages de la Parole de Dieu que nous avons égarées depuis trop longtemps. En nous focalisant sur les pages humaines au point d’oublier celles de l’Evangile, nous dénaturons les unes comme les autres. « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n'est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. »
Ne soyons pas obnubilés par la pureté de l’institution et de son discours ! Mais soyons toujours inquiets de Dieu et de notre prochain dans lequel nous reconnaissons Jésus-Christ lui-même. « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l'aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'accompagnera. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra ; si tu cries, il dira : « Me voici. » Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon coeur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. »