Le 1er novembre 2010, à Nancy, l’Association Art dernier Nancy lancera son grand projet de valorisation de l’art funéraire contemporain.
Clin d’œil aux « arts premiers » dont la plupart des œuvres sont liées aux rites de passage et à la mémoire, « art dernier » est le nom que Pierre Aubert, initiateur de ce projet, a donné aux créations artistiques liées à la mort et aux funérailles. Depuis 1997 et la création de sa galerie d’art funéraire contemporain au Viaduc des arts à Paris en partenariat avec les services funéraires de la ville, le projet de Pierre Aubert s’est développé et rassemble aujourd’hui tout un collectif qui souhaite inviter créateurs, artistes et artisans (plasticiens, musiciens, paysagistes, carrossiers…) à remettre au cœur d’un des rites les plus importants de nos sociétés la création contemporaine.
Les liens entre la mort et les arts sont évidents. S’il n’est pas impossible que la mort soit même à l’origine des premières œuvres d’art, il est certain que les expressions artistiques qui nous sont parvenues des plus anciennes civilisations y sont liées. Dans le monde occidental, les exemples de sculptures funéraires d’exception mais également de pièces musicales et littéraires s’y rattachant sont nombreux. Pourtant, force est de constater qu’aujourd’hui tous nos morts, à de très rares exceptions, se voient couvrir des mêmes plaques de marbres noires ou grises. Une uniformisation de la mort qui rappellerait volontiers que face à cet événement nous sommes tous égaux mais qui vient en fait nier une des affirmations les plus puissantes des religions chrétiennes et de la culture humaniste, la singularité de chaque être humain.
On pourrait relier ce phénomène à la séparation définitive des vivants et des morts quand les cimetières ont quitté l’ombre des églises pour se retrouver le plus souvent à l’extérieur des villes et des villages dans des parcs plus ou moins paysagés et en déduire que le mort est définitivement sortie de la sphère de la vie. On pourrait également se poser la question de la muséification de certains cimetières, comme celui du Père Lachaise, où fans et groupes de touristes visitent les tombes célèbres comme on se rend à Saint-Denis pour visiter les tombeaux des rois de France et finir par penser que l’art lui-même a perdu les liens qui l’unissaient à la vie contemporaine. Mais l’engouement pour l’art contemporain et la présence permanente de la mort dans les débats éthiques actuels balaient en partie ces objections.
Peut-être que si la création contemporaine n’investit plus nos rites funéraires c’est que nous ne savons plus enterrer nos morts ? Pour un enterrement émouvant, combien sont de longs moments pénibles ! Et en ces jours où nous allons nous recueillir sur les tombes, combien celles-ci vont nous apparaître une nouvelle fois communes ou sordides, et bien lointaines des personnalités de ceux et celles que nous viendrons visiter.
Pour l’association Art Dernier – Nancy, une des portes d’entrée de ce problème est ce que nous pouvons proposer à ceux qui souhaiteraient une offre personnalisée et artistique. Elle lance donc, par le biais de son site Internet, un appel à projet à destination de tous les créateurs pour recenser des projets de tombes, d’urnes et de cercueils, mais également de lieux architecturaux et paysagers (cimetières et jardins du souvenir), des compositions musicales, liturgiques et florales et de textes littéraires.
Une belle initiative qui nous l’espérons renouvellera le paysage funéraire, tant il est vrai comme le souligne Pierre Aubert qu’« il est incontestable qu’une sépulture « artistique » peut, pour certains, diminuer la peine générée par la disparition d’un être cher. Se recueillir devant un monument personnalisé doit faciliter le douloureux travail de deuil des familles, des proches ou des fans. Le monument artistique dépasse alors le simple fait esthétique et vient se loger dans la philosophie d’un rite funéraire revalorisé. »
L’association propose également un concours « grand public » d’épitaphes dont les plus belles ou les plus originales seront présentées lors du premier événement public auquel elle participera, le Salon de la mort au Carrousel du Louvre du 8 au 10 avril 2011 à Paris.