Quelle joie d’apprendre que le président de la Conférence des Evêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, a restauré une prière pour la France !
Quelle tristesse de voir ce qu’il en a fait : une vulgaire gesticulation politique tant pour contrer les « catholiques extrémistes » que pour s’opposer à la politique à venir du gouvernement de la République.
Comment peut-on transformer et instrumentaliser la prière pour en faire un acte dont la principale revendication est d’être un vecteur de communication non du peuple à son Dieu mais bien d’une communauté particulière à la communauté nationale ? Car tel est bien l’objectif du cardinal-archevêque de Paris qui souhaite « sensibiliser les parlementaires » et créer de « l’impact par une formule unique à l’échelon national ».
C’est bien l’esprit de cette prière qui est insupportable, car dans le fond elle ne dit rien de très surprenant, il faut bien l’avouer. Elle a même ce côté mièvre de la plupart des prières universelles que nous entendons chaque dimanche à la messe. Pour les hommes et pour les femmes, pour les enfants et pour les adultes, pour nos voisins et ceux qui sont loin, pour les pauvres et pour les riches, pour ceux qui et pour ceux qui pas… bon enfin pour tout le monde sauf quand même dans celle-ci pour les homosexuels qui voudraient vivre stablement en couple dans la république et comble de l’horreur adopter des enfants.
Le signe fort que le cardinal-archevêque donne à la France est double : la prière des chrétiens est un moyen de pression sur la société et ses dirigeants et le cœur de la foi catholique est la famille chrétienne, ce thème jamais abordé en tant que tel par Jésus dans les Evangiles.
Toute cette petite cuisine politico-pastorale me dégoute un peu et il est fort à parier que pour les quelques voix extérieures à l’Eglise que le cardinal réussira à ramener à sa cause, nombre de chrétiens en seront comme moi écœurés, tant les positions sur le famille (homosexualité et divorcés remariés) que développe la hiérarchie catholique ne font pas l’unanimité chez les fidèles.
Cette prière, construite sur le sable de la discorde et du combat, ne permettra pas à nos contemporains de cheminer paisiblement vers Jésus sur le roc de la foi. C’est pour moi une grande peine car je suis certain que nombre de nos contemporains ressentent l’appel de Dieu et ne peuvent rejoindre le Christ qui leur tend les bras tellement nous le défigurons, en prônant l’exclusion et le jugement plutôt que l’accueil et la miséricorde. Ce que le cardinal-archevêque a restauré ce n’est pas la prière pour la France qui aurait pu être un moment de pleine communion avec l’ensemble de nos concitoyens, le partage de leurs peines et de leurs joies présentées de manière fraternelle à Dieu. Non, c’est plutôt le visage d’intolérance et d’hégémonie que Vatican II avait réussi à gommer replongeant l’Eglise dans son petit rôle de lobby soit disant éclairé.
Je crois qu’au lieu de toute cette gesticulation lamentable qui nous promet un automne où l’Eglise ne sera pas à son avantage, courant derrière les positions les plus extrémistes pour se prouver qu’elle existe, le cardinal-archevêque aurait mieux fait de contempler la Vierge et d’y découvrir la vertu du silence comme son auguste prédécesseur l’avait fait à l’époque où Louis XIII prononçait son vœu.
« Le partage de la Vierge est d’être en silence. C’est son état, c’est sa voie, c’est sa vie. Sa vie est une vie de silence qui adore la Parole éternelle. En voyant devant ses yeux, en son sein, en ses bras, cette même Parole, la Parole substantielle du Père, être muette et réduite au silence par l’état de son enfance, elle entre en un nouveau silence et y est transformée à l’exemple du Verbe incarné qui est son fils, son Dieu et son unique Amour. Et sa vie se passe ainsi de silence en silence, de silence d’adoration en silence de transformation ; son esprit et ses sens conspirant également à former et à perpétuer en elle cette vie de silence. Et c’est un de ces effets sacrés et divins du silence de Jésus de mettre la très sainte Mère de Jésus en une vie de silence. Silence humble, profond et adorant plus saintement et plus disertement la sagesse incarnée, que les paroles ni des hommes ni des anges. Ce silence de la Vierge n’est pas un silence de bégaiement et d’impuissance, c’est un silence de lumière et de ravissement. C’est un silence plus éloquent, dans les louanges de Jésus, que l’éloquence même. C’est un effet puissant et divin dans l’ordre de la grâce, c’est-à-dire, c’est un silence opéré par le silence de Jésus, qui imprime ce divin effet en sa Mère et qui la tire à soi dans son propre silence, et qui absorbe en sa divinité toute parole et pensée de sa créature. »
Pierre de Berulle, Œuvres de Piété.