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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 16:36

 

Robert Scholtus, après dix années passées à Paris, rentre dans la ville de Metz qui l’a façonné. Des dîners de la capitale, il semble avoir gardé cette maladie à la mode au nom anglo-saxon, le name-dropping, qui consiste à placer un maximum de noms connus dans une conversation. Est-ce comme la pratique des citations, qu’il affectionne, un palliatif à la timidité ? Bien évidemment, l’exercice littéraire et la finesse de l’auteur transforment la litanie des people à la mode en celles d’écrivains, peintres, et personnages historiques, pour certains méconnus, au commerce plus agréable. Les souvenirs et la vie intérieure de celui qui est tout à la fois le héros et l’auteur de Promesse d’une ville sont façonnés par les références culturelles. Véritable musée vivant, elles l’aident à marcher sur la passerelle, ce présent narré, qui, dans les premières pages de l’ouvrage, le mène de la gare au nouveau Centre Pompidou-Metz.

L’auteur tutoie le héros dans une intime distanciation. Il entraine le lecteur dans sa vision intérieure, le rendant présent dans ses analyses, le faisant marcher comme un ami entendant remonter dans le silence de celui qu’il accompagne les souvenirs qui l’ont nourri dont certains semblent parvenir aujourd’hui seulement au stade du conscient. Promesse d’une ville, finesse d’une vie.

La passerelle que nous empruntons au travers de ces pages a des airs de passage inter-sidéral permettant des ouvertures éclaires entre des espaces mémoriaux bien différents où s’entremêlent architectures, histoire, écrivains et peintres, souvenirs d’enfance et, de temps en temps, mais finalement souvent, tels les blancs de Rubens qui venaient parachever et révéler ses œuvres, une pensée de l’auteur où une confession intime.

L’histoire, l’architecture, l’urbanisme et les personnages célèbres de Metz s’égrènent au fil des pages tandis que prend chair l’auteur-héros. Paris et les dix années de concubinages qu’il a vécu avec la capitale viennent s’immiscer dans la relation qu’il renoue avec la Pucelle abandonnée. Il l’appréhende avec le double regard de l’enfant  et de l’homme expérimenté. Un double regard qui peut peut-être expliquer la finale paradoxale de l’ouvrage où un événement aux résonnances intimes vient finalement anéantir la précieuse construction de l’ouvrage, replongeant la promesse d’une ville dans une froide distance.    

 

 

 

Promesse0.gif

 

Promesse d’une ville

Robert Scholtus

Arléa. 2011. 15 euros.

Date de parution : 2 février 2012

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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 17:16

 

PietrodePaoli_Petiteconversation.gifLe nouveau Pietro est sorti, Petites conversations avec ma nièce sur la question de Dieu (Plon, 14€). Il s’agit d’un échange de mails entre Marc, le jeune curé devenu évêque dans les récits précédents de l’auteur, et sa nièce Chloé.

 

Des questions de l’adolescente, des réponses de l’évêque… cela aurait pu donner un ouvrage barbant, modèle catéchisme à l’ancienne ou la première serait l’image de l’église enseignée et le second celle de l’église enseignante. C’eut pu mais ce n’est point.

 

Le livre commence par la question de l’existence de Dieu. Une fidélité aux traités dogmatiques et à leur référence éternelle qu’est la somme de Saint-Thomas ? Pas vraiment, car des les première pages, l’auteur montre les limites d’un questionnement purement formel et ancre la conversation dans ce qui fait la singularité et la complexité de toutes relations « amoureuses », un savant mélange d’émotions et de décisions, de ressentis et de choix.

 

Les questions de Chloé sont aussi des affirmations, celles du monde tel que nous le voyons et le ressentons. Les réponses de Marc sont aussi des questionnements, ceux de nos incompréhensions face à un monde et au projet de Dieu que nous ne maîtrisons pas. Alors évidemment l’évêque fait son travail en donnant les pistes qui permettent à l’adolescente, parfois impertinente, de progresser sur le chemin de la foi, mais c’est d’abord dans le témoignage qu’il propose de sa foi, de la foi de l’Eglise en Dieu et en l’homme que réside le véritable chemin proposé.

 

Un chemin qui demande d’abord de croire en soi, de croire que Dieu est aussi pour soi, et donc de croire et de découvrir que dans le brouhaha du monde, nous avons une vie intérieure, plus silencieuse, qui ne demande qu’à prendre sa juste place et dans laquelle le fin silence qu’est la voix de Dieu peut résonner. Une espace intérieur qui se nourrit d’une prière qui n’est pas seulement volonté (même s’il en faut parfois, notamment lors de nos nuits spirituelles) mais avant tout abandon à l’Esprit qui nourrit, abandon à la prière de l’Eglise éternelle qui nous porte.

 

Un chemin qui demande également de rencontrer l’homme Jésus tel que les évangiles nous le présentent avec force. C’est dans cette rencontre que notre religion quitte le domaine des théories pour s’affermir dans celui de la foi. C’est dans cette rencontre que nous cessons de « croire en Dieu » pour « croire Dieu » qui nous parle, nous donne sa Parole et nous offre un frère en Jésus Christ.

 

La réponse à la question du mal et du sens de la vie qui traversent ces 120 pages ne peut réellement devenir réponse vivante pour nous (et non théorie à laquelle nous pourrions décider d’adhérer… ou non) que si la rencontre avec le Christ a lieu, que si nous décidons de marcher avec lui, malgré nos imperfections, pour entrer dans une vie déliée des finitudes qui nous font peur (le mal que nous faisons, la mort…).

 

Voilà le chemin que propose Marc, le chemin sur lequel Chloé accepte de s’engager. Ce petit livre que l’auteur destine aux jeunes sera pour chaque lecteur, quelque soit son âge, l’occasion de faire ou de refaire ce cheminement qui mène à la vie et je l’espère de prendre conscience que la relation avec Dieu mérite que nous fassions quelques efforts et en particulier celui d’accroître notre vie intérieure pour que l’Esprit s’y engouffre afin de faire de nous, également, des témoins qui pourront dire Dieu pour que nos contemporains puissent le découvrir.

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 12:51

JDore.jpg

Il est souvent agaçant d’entendre des évêques émérites expliquer ce qu’il faudrait pour l’Eglise d’aujourd’hui ou de demain. On a toujours envie de leur demander si ils n’auraient pas pu réfléchir avant à la question pour pouvoir trouver des solutions au moment où ils étaient « aux commandes ».

 

Dans A cause de Jésus, la question ne se pose pas même si au détour d’un chapitre Monseigneur Joseph Doré, archevêque émérite de Strasbourg, s’en explique. Dans ses réflexions sur l’Eglise présente et à venir, il s’appuie sur ce qu’il a fait et ce qu’il a dit comme évêque et comme théologien, avec la même responsabilité. Avec cette même liberté aussi de celui qui maîtrise théologiquement et pastoralement les questions qu’il traite et qui est prêt à démontrer à quiconque le questionnerait que rien dans les options qu’il développe et met en œuvre n’est contraire à la tradition vivante de l’Eglise. Même liberté, même responsabilité, Joseph Doré est toujours évêque, solidaire de ses confrères dans la gouvernance de l’Eglise, toujours théologien, soucieux d’appuyer ses positions sur une analyse exacte des problèmes posés et d’y répondre par des propositions qui s’inscrivent dans les règles actuelles de l’Eglise.

 

Mais ne nous y trompons pas, rester dans les clous ne signifie aucunement pour lui s’interdire toute initiative. La responsabilité du théologien comme celle du pasteur est justement de pouvoir proposer des solutions orthodoxes aux questions qu’affrontent l’Eglise contemporaine. Une Eglise qui ne vit pas recluse sur elle-même mais dans un échange productif avec le monde, son monde. A cause de Jésus est le parcours d’un homme engagé depuis cinquante ans dans un dialogue avec le monde, ses intellectuels, son opinion publique. Un homme qui nourrit sa foi du dialogue avec les philosophies et les pensées qui l’entourent, de la juste critique de la tradition catholique qui le porte et de son histoire, avec ses zones d’ombres et ses merveilleuses richesses, mais également des questions, des peurs et des espérances des hommes et des femmes de son temps.

 

Dans cette histoire d’une vie, d’une pensée et d’une action, rien ne semble éludé, ni les questions qui fâchent, ni les bonheurs qui font vivre. Dans A cause de Jésus, Monseigneur Joseph Doré, nous livre un témoignage : le christianisme, et particulièrement le catholicisme, est toujours aujourd’hui un chemin de liberté et d’épanouissement pour l’homme. Ce faisant, il nourrit notre réflexion nous permettant de mieux appréhender notre propre tradition, de nous en enrichir et de nous donner le goût d’en témoigner. Un livre à lire.

 

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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 17:49

 

 

 « Bien vite il sut jurer et maugréer
mieux qu’un vieux diable au fond d’un bénitier. »
Jean-Baptiste Louis Gresset

 

 

Aujourd’hui, sort le livre de Christine Pedotti et Anne Soupa Les pieds dans le bénitier, aux Presses de la Renaissance. Leurs détracteurs en seront pour leurs frais, elles n’y jurent pas ni n’y maugréent.

 

Pour être honnête, on serait presque un peu décontenancé tant ce livre est catholique. Alors, rassurons tout de suite notre lecteur ! Nos deux diablesses égratignent le fonctionnement de l’Eglise et son cléricalisme. Comment une caste composée uniquement d’hommes célibataires pourrait être représentative de l’Eglise ou de l’humanité ? Mais également ses fixations, notamment en matière de morale sexuelle, qui tendent à instaurer des discours pouvant aller jusqu’à l’encontre de la Bonne Nouvelle proclamée par le Christ.

 

Mais, en effet, si on s’attend à lire un brûlot critique, on ne peut être que déçu. Car le cœur de l’ouvrage n’est certainement pas politique (ou polémique) mais bien spirituel. Elles ont les pieds dans le bénitier ou plutôt dans le baptistère. Elles les ont bien ancrés dans la tradition (si si) de l’Eglise, dans la Parole de Dieu, mais surtout dans la Mission. Cette mission qui est le fondement même de l’Eglise, cette mission qui oblige l’Eglise à se réformer toujours pour être porteuse de la parole qui libère, témoin de l’amour et de la miséricorde divine.  

 

Et si ce qu’elles disent peut déranger ou titiller, il serait impossible de ne pas déceler dans leurs propos une force formidable d’espérance, un amour de l’Eglise et de l’humanité,  un sentiment d’obligation de faire résonner le don de Dieu qu’elles ont reçu… et l’absolue nécessité de le partager.

 

Alors oui, les pieds dans le bénitier, elles nous proposent de nous baigner avec elles et de partager la tâche de la mission. A nous de voir si nous voulons être de timides pucelles ou si nous acceptons de plonger dans le bénitier avec tous les risques que cela peut comporter mais également tout le plaisir qui peut en naître !

 

 

« Je l’attendois au benoistier,

pour lui donner de l’eau beniste ;

mais elle s’enfuyoit plus viste. »

Clément Marot

 

 


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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 16:38

 

Conférence à la Mairie du VIIe arrondissement de Paris

(116, rue de Grenelle - 75007)

organisée par l'Observatoire du Patrmoine Religieux (OPR)

Le jeudi 20 mai à 18h00 - entrée : 10 euros.


Alain Erlande Brandenburg, ancien directeur du musée national du Moyen Âge et du musée national de la Renaissance à Ecouen, directeur adjoint des Musées de France, directeur des Archives de France, directeur d’études à l’EPHE, professeur à l’Ecole des Chartres et à l’Ecole du Louvre, membre du conseil d’administration de l’OPR, présente son dernier ouvrage, Qu’est-ce qu’une église ?, en répondant aux questions de Boris Grebille, directeur des études de l’IESA (Institut d’Etudes Supérieures des Arts) .

 

Alain Erlande-Brandenburg

Qu'est-ce qu'une église ?

Gallimard - 2010. 29 euros.

 

En Occident, les églises cathédrales et paroissiales ont façonné le paysage urbain et rural. Elles structurent le territoire de la ville et sont souvent le cœur du village. Le lien entre l’église et le cimetière, qui rapatrie très tôt la communauté des morts au côté de celle des vivants, crée une continuité des générations et une identité historique.

Mais qu’est ce une église ? Elle est d’abord le lieu du rassemblement des chrétiens, où se manifeste l’ecclesia. Elle rassemble clergé et laïcs pour célébrer le dialogue permanent des fidèles avec Dieu. Ces rassemblements rythment le temps commun autour des grandes fêtes (temps liturgique), le temps des familles (baptêmes, mariages, décès) et le temps personnel de chaque chrétien.

Signe dans la ville, lieu du rassemblement, l’église est une création humaine qui, par son architecture et son décor, présente ce dialogue avec son Dieu et de l’église avec la société. Naissant dans une société romaine où l’image est omniprésente, la pastorale chrétienne utilisera, dés ses débuts, la création artistique, d’abord à l’intérieur puis à l’extérieur des édifices.

Alain Erlande-Brandenburg retrace l’histoire de cette forme architecturale et de son décor, montrant comment elle est tributaire de deux évolutions qui s’interpénètrent, celle de l’église et celle des formes artistiques. Il livre une synthèse passionnante qui s’étend sur vingt siècles d’histoire, de l’Empereur de Rome Constantin à nos jours.

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 09:02

 

J’ai connu Vincent Flamand au séminaire des Carmes. Philosophe de formation (il avait travaillé sur Jean-Luc Marion), ce n’est pas l’esprit de sérieux qui caractérisait ce liégeois pétri de rock et de littérature mais bien un humour fondé le plus souvent sur le tendre émerveillement de ce que la chose humaine pouvait avoir de plus simple et parfois de plus kitch. Se mêlent en moi des souvenirs de discussions passionnées sur Heidegger, Nabert, Rahner ou Balthasar, des fous rires sur des phrases absurdes et cette improbable et unique expérience d’un match de football au Parc des princes. Un regard exigeant et tendre, rieur et profond.

 

Dans ce premier roman, Vincent Flamand nous livre un portrait de son père et son propre portrait avec les mêmes qualités. L’analyse humaine s’y fait au scalpel avec une précision des mots et une clarté des idées déconcertante. Toute la complexité des constructions humaines semble venir se dévoiler dans la simplicité de tournures associant sans voyeurisme et psychologisme le tragique et l’humour, la vie qui lute et s’échappe et celle qui naît et se construit.

 

D’aussi loin que je me souvienne, il s’est toujours levé tôt est un roman subtil et tendre, où l’hommage particulier que l’auteur rend à son père ouvre aux questionnements les plus universels : la vie, l’amour, la mort, la filiation, la transmission, les idéaux, les blessures subtilement mais mal dissimulées, le poids de la culture, le désir de s’arracher à un quotidien imposé... 80 pages de bonheur, de tristesse, d’humour et de réflexion ;80 pages d’humanité, 80 pages de vie que je vous conseille de dévorer puis de relire.

 

 

Vincent_Flamand.png

 

 

Vincent Flamand

D’aussi loin que je me souvienne, il s’est toujours levé tôt.

Editions de l’aube. 2010. 10 euros

 

 

 

 

 


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16 mars 2010 2 16 /03 /mars /2010 09:14

Pietro de Paoli, qui chaque lundi nous livre un de ses 100 mots pou la foi, sort, jeudi 18 mars, son nouveau livre Lettres à un jeune prêtre, préfacé par Jean-Michel di Falco, évêque de Gap et d’Embrun. L’auteur continue d’y explorer l’Eglise contemporaine à travers la figure de Marc Belhomme, le curé de 38 ans, célibataire et curé de campagne (2006) devenu évêque dans Dans la peau d’un évêque (2009).

De cette discussion entre l’évêque (progressiste modéré) et le jeune prêtre (conservateur ouvert au dialogue), Pietro de Paoli ne nous livre que les lettres de l’évêque même si celles-ci citent celles de son interlocuteur. Une discussion qui finalement s’organise autour du constat commun des deux « Cela ne marche pas ! ». Si les points de différence entre ces deux représentants de courants ecclésiaux sont réels, ce qui frappe c’est la qualité du débat et l’amour de l’Eglise qui transparaît chez les deux protagonistes, donnant à leurs arguments le poids d’une foi et d’un engagement donné au Christ qui rendent vain tout recours à des réponses toutes faites, à des vérités idéologiques.   

Ces lettres sont au nombre de 12.

12, comme les apôtres. Car il s’agit bien ici de se poser la  question de l’Eglise, de ce qu’elle est et de son rôle. De ce qu’elle doit annoncer et de comment elle peut l’annoncer pour être entendue.

12, comme les mois de l’année. Car il n’est pas question d’une Eglise conceptuelle mais d’une Eglise incarnée, comme le Christ, dans le temps des hommes. Une Eglise marquée par son histoire et qui dialogue avec l’histoire des hommes et de chaque homme et chaque femme.

12, comme les tribus d’Israël. Car ce qui est au centre du débat c’est l’Alliance de Dieu avec son peuple. Ce peuple qui, avec l’avènement de Jésus-Christ s’étend à tout le genre humain. Et toutes les questions qui se posent dans l’Eglise ne peuvent se discuter qu’à la lumière de cette unique volonté du Dieu d’amour : rassembler son peuple dans une communion parfaite en Jésus-Christ.

A la fin de ce livre, on se prend à rêver que le dialogue dans l’Eglise réelle ressemble à ce roman où transparaissent l’amour d’un Dieu de communion, la bienveillante attention du Christ et l’éclairante lumière de L’Esprit.



LettreAUnJeunePretre
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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 15:17

 

 « Cette messe que j’aime ». Tel était le titre de la conférence que Jean-Noël Bezançon a donnée hier, vendredi 11 décembre, à la paroisse Saint-Jacques du Haut Pas. Le ton est calme et absolument pas polémique. Pourtant le cœur du propos est clair : la messe telle qu’on l’a célèbre depuis le Concile Vatican II n’est pas une messe nouvelle mais bien la messe de toujours, une liturgie au plus proche de ce que devaient célébrer les premiers chrétiens. Une liturgie issue du partage de la Parole ou du Livre qui chez les juifs se faisait à la synagogue et du repas eucharistique, rappelant la Cène, et proche des fêtes juives qui se célébraient en famille autour de la table.

 

Pour expliquer l’évolution de la liturgie eucharistique au cours des siècles, Jean-Noël Bezançon fait l’hypothèse d’une réappropriation inconsciente d’une vision religieuse issue du Temple de Jérusalem, c’est-à-dire finalement à une re-sacralisation de Dieu et de la religion, pratiquée aussi par toutes les religions païennes. Celle-ci va à l’inverse de l’auto-révélation de Dieu en Jésus-Christ qui se dévoile à tous (il n’y a pas de secrets) et dont le sacrifice pascal se solde par le déchirement du voile du Temple, signe évident que Dieu n’est plus caché au fond d’une pièce où seul le Grand-Prêtre pénétrait une fois l’an.

 

Dans son évolution liturgique, l’Eglise avait renoué avec cette séparation entre un lieu du sacré, le chœur autour de l’autel où seul le clergé pénètre, et un lieu plus profane duquel les fidèles contemplent et adorent. De ce fait, l’Eglise se mutilait elle-même, dissociant ce qui en Christ ne fait qu’un. Car ce que nous célébrons c’est bien l’action de grâce de tout le peuple uni dans le Christ, lui qui est à la fois la Grâce donnée et la Grâce rendue. Et comme le dit la Tradition, de Saint-Augustin à Henri de Lubac : L’Eglise fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Eglise.

 

La « réforme » liturgique de Vatican II est donc le retour à la tradition la plus ancienne de l’Eglise, sa pratique première, celle du rassemblement de tout le corps, celle de l’action de grâce de tout le corps, où chaque membre du corps a une place active et non seulement contemplative. Il s’agit pour chaque baptisé d’avoir la possibilité de comprendre et de participer et non simplement de voir et d’adorer. Cette messe de toujours est donc la réappropriation par toute la communauté d’une parole qu’elle ne pouvait plus comprendre (à cause de la langue et de la distance) et d’une eucharistie qu’elle ne célébrait plus. Et si il y a à réformer cette liturgie, c’est dans ce sens, afin de permettre à chaque baptisé d’être dans la prière de l’Eglise un acteur libre et conscient de l’engagement qu’il prend quand au cours de la célébration et particulièrement en recevant le corps du Christ, il répond Amen.

 

 

messe

 

 

Jean-Noël Bezançon

La messe de tout le monde

Sans secret, ni sacré, ni ségrégation

Cerf, 2009

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24 septembre 2009 4 24 /09 /septembre /2009 10:00
Aujourd’hui est paru le dernier Pietro de Paoli, Dans la peau d’un évêque. Après lecture, une chose est certaine, on ne souhaiterait pas y être.

Le constat est sévère mais juste. Marc (l’évêque), comme ses confrères, n’a pas la tâche facile. Il souffre de la solitude d’un pouvoir sans puissance et sans grandes marges de manœuvre, des freins financiers et politiques, mais surtout de l’appauvrissement réel d’ouvriers prêts à œuvrer pour la vigne du Seigneur. Il souffre également d’un problème de santé qui lui fait entendre de manière plus forte l’urgence du faire.

 

Car la question centrale de ce roman est bien « quoi faire ? ». Evidemment, j’entends déjà tous ceux qui, blottis dans la chaleur de groupes ou de paroisses qui fonctionnent bien,  trouveront que tout va au mieux  et qui ne comprendront pas pourquoi il faudrait faire quelque chose. Pourtant, la première qualité de ce livre est d’être un roman sans romance, les faits racontés, quoi que fictifs, sont au plus proche de la réalité. Peut-être trop proches pour la dernière partie qui relate la triple crise de l’année dernière (Intégristes – Recife – Préservatifs en Afrique), 45 pages un peu plaquées qui font « passage obligé » mais qui auront le mérite de dater ce livre et la possible émergence d’une « opinion publique » dans l’Eglise.

 

L’attrait du livre, comme pour les deux derniers Pietro de Paoli, est plutôt dans la consistance des personnages, auxquels chaque lecteur pourra sûrement accoler un ou plusieurs noms tant ils nous sont proches. Dans la rugosité de vies concrètes, dans les joies de l’amitié, de la musique et des nourritures, dans les incompréhensions, la colère et les coups de fatigue, dans les espoirs et les tentatives laissées en suspens, c’est la vie réelle d’une Eglise incarnée, d’hommes et de femmes qui tentent de s’arracher au néant pour se laisser emplir du sens de Dieu, pour remettre librement Dieu à l’origine de leur vie et de leurs désirs. Et si le « héros » du roman se jette à genoux devant son Seigneur pour qu’Il l’aide à répondre à la question « Qu’as-tu fait de (ou pour) mon Eglise ? », on se sent soi-même contaminé par ce besoin de prier pour tous les évêques qui portent ce poids radical, celui du sentiment de responsabilité face à Celui auquel ils ont lié leur vie.

 

Dans ce roman, il n’y a pas de grandes théories visionnaires ou de recettes miracle, ni chez Marc, ni chez l’auteur, simplement un désir d’agir et une confiance en l’Eglise qui depuis les premiers apôtres a su laisser éclore en son sein des initiatives nouvelles pour annoncer le Christ au monde. A lire trop rapidement, on pourra croire que Dans la peau d’un évêque témoigne simplement de l’anémie de l’Eglise, il montre, je crois, au contraire que tous les éléments sont présents pour que l’Espérance renaisse, une espérance fondée sur la certitude de Marc, celle que jamais le Christ ne lâchera un monde qu’il est venu sauver.

 

A nous de jouer !


 

Dans la peau d'un évêque, Pietro de Paoli (Plon)

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