Les antiques catéchismes prétendaient connaître Dieu. Moi pas. Enfin, pas comme eux qui déclamaient : « Dieu est un pur esprit, infiniment parfait, créateur de tout ». De Dieu, je n’ai pas de définition, seulement une connaissance pratique, j’ose dire, expérimentale. En conséquence, je ne connais pas de pur esprit. Je ne vois d’ailleurs pas ce que je pourrais avoir à faire, moi, être de chair, de sang et de sens, avec un pur esprit… Et réciproquement. Je suis d’autant plus ignorant de la substance de Dieu que je crois plutôt à sa présence.
Oui, je reconnais que je m’accorde quand même une toute petite approche « philosophique », puisqu’à la question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien », je préfère la réponse parce que Dieu plutôt que parce que le hasard. Dieu me semble plus vraisemblable que le hasard… Mais soyons clair, je n’ai aucune preuve à asséner ; disons que je considère que ce n’est pas une hypothèse insensée.
Pour le reste, il faut que je vous avoue que je crois à un drôle de Dieu. Pas du tout un roi du ciel ou de l’Olympe, ni même à un horloger ordonnateur de l’univers.
Ce Dieu ne fait rien qui ressemble à ce que nous ferions si nous étions Dieu. Il échappe à la mesure, à l’imagination, et même à la raison de nos petites cervelles humaines. En effet qui peut concevoir un Dieu qui au lieu de soumettre le monde et d’instaurer son ordre, parle, sollicite, demande, attend… Un Dieu dont la puissance est de ne pas en user ?
Ce Dieu étrange, nous ne devrions sans doute pas l’appeler ainsi, afin de ne pas le confondre avec les créatures pleines de superpuissance qui sont les fruits de nos esprits étroits. Les croyants juifs, nos ancêtres dans la foi avaient d’ailleurs la prudence de ne pas le nommer.
Vous me direz : visiblement, vous parlez de ce que vous ne connaissez pas. Peut-être devriez-vous vous taire, tout simplement ! C’est un parti que certains ont choisi. Il est tentant, et de surcroît élégant. En plus, le nom est délicieusement pédant ; apophatisme !
Vous dites : ma vision de Dieu est apophatique… Et on vous fiche la paix.
Facile, élégant, mais un peu faux, car le Dieu à qui j’ai donné ma foi se laisse connaître. En Jésus, il a pris chair, et sang, il est venu fouler la poussière de cette Terre, avoir faim et soif… et mal. Il a connu aussi l’amour d’une famille, le bonheur des amitiés et le chagrin des abandons. Tout il a tout connu de l’humain, même la peur et l’humiliation. Et depuis lors, nous, chrétiens, nous osons nommer Dieu. Nous le nommons Père, nous le nommons Fils, nous le nommons Esprit d’amour du Père et du Fils. Il faut bien avouer que tout cela n’est pas hautement vraisemblable et même assez déraisonnable. Saint Paul bien avant moi confessait que c’était une folie. Une bienheureuse folie !
Il me semble que l’autorité de l’Évangile de Jean suffit.
Jésus disait à ses disciples : « Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. » Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! »