La fraternité n’est pas un de ces bons sentiments chrétiens, une vertu que l’on pourrait inscrire au fronton des églises entre la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Ce n’est pas un produit dérivé de l’amour du prochain, ni même de l’amour de Dieu. La fraternité est le cœur même du christianisme, son origine et sa source. En Christ, Dieu s’est fait frère !
Voilà pourquoi le christianisme est si différent des religions plus anciennes, des religions d’observance, des religions légalistes… Disons pour être honnête, qu’il devrait l’être, et que chaque fois qu’il ne l’est pas, il se trahit, il trahit le Christ.
Oui, la tentation est grande sinon de se passer du Christ, du moins de passer par-dessus afin de retrouver la vieille image d’un Dieu que certes, par convention, on appelle « Père », mais qui reprend rapidement la belle tête altière d’un Zeus tout-puissant régnant dans l’éther des hautes sphères azurées.
Mais la réalité de l’Incarnation, c’est qu’en Jésus le Christ, Dieu s’est fait frère. Jésus-Christ fait de tout être humain, son frère (sa sœur) et nous le donne comme frère ou sœur. Dans le Christ s’origine toute fraternité. Et par le Christ, nous sommes faits fils et filles du Père, ce Père qu’il nous donne non comme un maître, mais comme un tendre père : « Dites Abba », ce qui signifie papa, ou petit père.
Fin des images de Dieu vengeur, Dieu des éclairs et du tonnerre et des victoires. Place au fils perdu, humilié, au frère trahi. Place au père inquiet, amoureux qui s’élance à la rencontre du fils perdu.
Il m’est arrivé d’entendre de beaux esprits, épris de figures divines, pleines de pureté philosophiques, bardées de définitions dogmatiques, pointer d’un doigt accusateur une « dérive » du christianisme qu’ils nomment « fraternisme ». Ce serait un christianisme « horizontal », qui ne prendrait pas en compte la grandeur, la gloire de Dieu, sa transcendance.
Mais la transcendance de Dieu, c’est précisément de n’être pas enfermable dans nos définitions. Il échappe à notre mesure de hauteur, de largeur, de profondeur. Il est, ainsi qu’Élie le premier en a la révélation, dans le frémissement du silence.
Quand saurons-nous aimer, cette Terre, ce temps, ce monde, et les hommes et les femmes qui le peuplent comme Dieu les aime ?
Oh, comme nous aimerions y échapper, tourner le dos à toute cette glèbe et élever notre âme vers les divines perfections. Comme nous aimerions trahir la fraternité humaine pour nous rapprocher de Dieu : « Je ne connais pas cet homme ». Fous que nous sommes.
Écoutons le Christ notre frère : « Qui me voit, voit le Père », « Ce que vous aurez fait au plus petit, c’est à moi que vous l’aurez fait ».
Nous ne sommes ni un peuple d’esclaves courbant l’échine devant un Dieu, ni des enfants craintifs devant un père autoritaire détenteur de la « loi ». Nous sommes les frères et sœurs du Fils bien-aimé, et par lui, nous sommes fils et filles aimés et attendus par un Père d’inquiétude et de tendresse. À charge pour nous de vivre véritablement en frères et sœurs dans la tendresse et l’attention les uns aux autres.
CEC 469 : L’Église confesse ainsi que Jésus est inséparablement vrai Dieu et vrai homme. Il est vraiment le Fils de Dieu qui s’est fait homme, notre frère, et cela sans cesser d’être Dieu, notre Seigneur.