A propos de l’article de La Croix intitulé : « Au nom de l’Église » mais hors hiérarchie, des laïcs prennent la parole
Le titre de cet article m’interpelle. Pourquoi les journalistes de la Croix veulent-ils absolument voir la parole publique des laïcs sous l’angle d’un possible conflit entre parole officielle de l’Eglise et parole libre de ses membres ? Il y a dans ce prisme quelque chose de curieux.
D’abord parce que les exemples cités sont moins des prises de positions « au nom de l’Eglise » que des prises de positions « au nom d’un attachement à l’Eglise » ou « au nom d’un attachement à la Vérité » et surtout me semble-t-il « au nom d’un attachement au Christ ». Ensuite parce que je me permets de souligner que, dans ces exemples, les signataires ne sont pas que des laïcs.
Cet attachement au Christ, au sens strict, est ce qui fonde la parole des laïcs comme le souligne le décret « Apostolicam actuositatem » de la 4e session de Vatican II. « Le devoir et le droit des laïcs à l’apostolat leur vient de leur union avec le Christ-Chef » (§3). Qu’il me soit permis ici de trouver d’ailleurs tout à fait inopérante la comparaison de Mgr Hyppolite Simon entre l’Eglise et un parti politique (« Qui a la légitimité pour utiliser le sigle catholique, pour engager le corps ? Est-ce que n’importe quel militant de l’UMP ou du PS peut utiliser le sigle de son parti ? »). Nous ne sommes pas autorisés à faire résonner la Parole parce que nous sommes les militants d’un programme écrit par les cadres d’un parti dont le sigle serait déposé à l’INPI mais nous sommes « députés à l’apostolat par le Seigneur lui-même » parce que nous sommes « insérés par le baptême dans le corps mystique du Christ, fortifiés grâce à la confirmation par la puissance de l’Esprit Saint » (§3).
Le deuxième paragraphe de ce décret répond à la question posée par Mgr Simon: « Il y a dans l’Eglise diversité de ministères, mais unité de mission. Les apôtres et leurs successeurs ont reçu du Christ la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son autorité. Mais les laïcs, rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ ont leur rôle dans la mission que tout le peuple de Dieu accomplit dans l’Eglise et dans le monde. […] Comme c’est l’état propre aux laïcs de vivre au milieu du monde et des affaires profanes, ils sont appelés par Dieu à exercer, comme un ferment, avec l’ardeur de l’esprit chrétien, leur apostolat dans le monde. »
Qu’une opinion publique, issue de l’Evangile, soit proclamée par les laïcs dans la presse et sur les réseaux sociaux, principaux lieux de communication dans le monde, me semble donc tout à fait en adéquation avec la mission des baptisés-confirmés. Cela ne veut certainement pas dire que toute parole de baptisé est parole d’Evangile ou, pour reprendre les termes de Mgr Hyppolite Simon, qu’elle engage le corps. Mais elle est, en soi, si elle est dite dans le souci de la mission apostolique, légitime. Aux successeurs des apôtres, ensuite, dans leurs charges d’enseignement et de gouvernement, de faire le tri dans ces paroles et si nécessaire de les corriger si elles n’étaient pas fidèles à l’Evangile.
« D’avoir reçu ces charismes, même les plus simples, découlent le droit et le devoir, pour chaque croyant de les mettre en œuvre dans l’Eglise et le monde, pour le bien des hommes et pour construire l’Eglise dans la liberté de l’Esprit Saint qui « souffle où il veut » (Jn 3,8), non moins qu’en communion avec ses frères dans le Christ, spécialement avec ses pasteurs. Ceux-ci jugeront de leur authenticité et de leur bon usage, non certes pour éteindre l’Esprit, mais pour éprouver tout et retenir ce qui est bon (cf. 1th 5, 12.19.21). » (§3)
Alors oui, réjouissons nous que des laïcs prennent la parole, non « au nom de l’Eglise » mais hors hiérarchie, mais pour le monde et pour l’Eglise en communion dans le Christ avec leurs pasteurs.