Dans ma réponse à
Laurent Villemin, je m’interrogeais sur la pertinence du nom de Conférence des baptisés de France. J’étais sensible à ses arguments sur l’opposition induite avec la Conférence des Evêques de
France et sur le fait qu’il s’agirait de fait du regroupement de toutes les sensibilités donc de l’Eglise de France.
Oui, mais… Lisant ici et là les différents commentaires qui ont pu être écrits à ce sujet, notamment sur Internet, j’en viens à me dire que finalement c’est une bonne chose pour plusieurs
raisons :
1/C’est une initiative et comme toute initiative, elle ne peut que mettre en mouvement (peut-être avec quelques heurts et un peu de fracas) le peuple de Dieu qui est en France. Le mouvement c’est
la vie et en cette période de dépression latente que vit l’Eglise, un peu d’action ne fera pas de mal.
2/Dans ces dernières années, on a eu l’impression (je crois malheureusement juste) que dans l’Eglise ce sont souvent ceux qui crient le plus fort (avec la voix, les pressions diverses et
notamment celle de l’argent) qui obtiennent gain de cause même s’ils ne représentent qu’une minorité de catholiques.
3/Et pour continuer sur ce point, il serait peut-être temps de vraiment connaître l’avis de ceux qui font tourner l’Eglise. Les cris des uns, les sondages peu crédibles, les discours lénifiants
qui visent à couvrir la crise, masquent la réalité et ce que souhaitent vraiment les chrétiens, les chrétiens qui sont engagés dans les paroisses, dans les mouvements, dans les hôpitaux, dans les
prisons, dans la lutte contre l’exclusion, les chrétiens qui vivent l’Evangile et qui vivent de l’Evangile. Ces chrétiens ne sont ni des progressistes acharnés, ni des traditionalistes sûrs de
leur bon droit. Ces chrétiens, ils sont du « centre » si vous me permettez cette analogie avec la vie politique. Ils ne se sentent pas concernés par les débats idéologiques mais ils
souhaitent pouvoir vivre leur foi dans un monde qu’il considère avec justesse et amour.
Alors on me rétorquera que :
1/Depuis Vatican II, la place des laïcs est bien définie et il n’y a qu’à vivre ce que Vatican II propose. Certes, mais l’Eglise est constituée d’hommes et pour les hommes l’incarnation des
idées passe par des structures. En France, il n’y en a pas…
2/Si ! Les synodes, les marches de l’Evangile et autres assemblées du même type. Oui, mais elles sont verrouillées, les schémas sont proposés à l’avance, les questions dites délicates
(généralement ce sont souvent les bonnes questions) habilement écartées pour tels ou tels motifs. Et les laïcs conviés n’ont pas la volonté, la force, la détermination des pères conciliaires qui
eux ont envoyé valser les schémas qui leur étaient imposés et ont tout remis à plat pour se poser les vraies questions qu’ils rencontraient au jour le jour dans leur engagement ecclésial.
3/Les évêques et les prêtres savent ce dont ont besoin les laïcs et l’Eglise. Ils les rencontrent, les confessent, les nourrissent… pas besoin de surajouter des structures à la Conférence des
Evêques de France, à ses secrétariats, aux conseils diocésains et paroissiaux où — si on vous l’assure — il y a des laïcs dont la voix est entendue (non ils ne sont pas cooptés, non le fait
qu’ils soient souvent salariés ne les empêche pas de parler…). Soyons sérieux, le clergé (et quand on interroge les prêtres on se rend compte qu’ils en soufrent) administre et prêche. Il n’a plus
le temps d’écouter. Il s’éreinte à faire vivre la structure et a de moins en moins le temps de sortir du périmètre qu’il gouverne. Ses propos sur le monde, sa manière de les énoncer, montre qu’il
n’entend ni les besoins réels, ni les problèmes qui aujourd’hui freinent la propagation de l’Evangile. Ils n’ont pas le temps d’écouter (d’écouter vraiment) les fidèles, comment auraient-ils, en
plus, le temps d’écouter le monde ?
Evidemment, je grossis le trait et je généralise mais suis-je si loin de la vérité ?
En conclusion,
Oui, je reste toujours dubitatif sur la manière dont cette entreprise peut prendre forme.
Oui, je pense que le Comité de la jupe doit être un moteur mais doit être rejoint par d’autres mouvements d’Eglise et les évêques eux-mêmes pour que cela porte des fruits.
Mais oui, je crois que c’est une idée qui peut faire bouger les choses et laisser un peu de place à l’Esprit-Saint pour qu’il souffle en France.
Mais oui, je crois que l’Eglise en a plus que jamais besoin et que si personne ne force le destin aujourd’hui, demain il sera trop tard.
Et finalement, oui, il s’agit bien de l’Eglise qui est en France ! Alors pourquoi ne pas l’appeler Conférence des Baptisés de France ?
Je connais un certain nombre de personnes qui s’engagent aujourd’hui dans cette aventure, laïcs et ministres ordonnés, hommes et femmes. Ils connaissent l’Eglise, ils sont formés, ils sont
engagés depuis de nombreuses années, mais surtout ils y sont attachés et n’ont d’yeux que pour le Christ.
Ils sont vieux (has been) me dit-on et alors ? Qui fait tourner la boutique aujourd’hui ? Je ne parle pas des quelques paroisses de centre-ville qui concentrent 80 % des jeunes
chrétiens pratiquants, je parle de l’Eglise qui est en France, toute l’Eglise qui est en France.
Ne nous laissons pas intoxiquer par quelques voix, l’Eglise n’est réellement pas au mieux de sa forme et cette initiative ne peut que lui redonner du souffle, le souffle de l’Esprit.
A ceux qui sont sceptiques je leur propose de rester dans la sage posture de Gamaliel, « docteur de la loi, estimé de tout le peuple » : « Et maintenant, je
vous le dis ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, elle se détruira ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la
détruire. Ne courez pas le risque d’avoir combattu contre Dieu. » (Ac 5, 38-39).
Lettre ouverte à Christine Pedotti, Anne Soupa et à toutes celles et à tous ceux qui avec elles promeuvent la Conférence des baptisés de France.