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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 12:23

Une de mes amies vit un moment difficile. Sa mère est plongée dans un coma artificiel dont elle ne ressortira a priori plus. Le choc de l’accident brutal et l’attente d’une fin visiblement inéluctable se mêlent. Un temps ou la mort et la vie cohabitent. "Elle respire."

 

 

Nous sommes tous démunis dans un moment pareil, nous multiplions les marques d’affection, nous prions pour ta maman, nous prions pour son mari, ses enfants et ses petits enfants, pour les hommes et les femmes de l’hôpital qui les entourent, leur apportant un soutien réconfortant tout en accueillant eux-mêmes cette mort à venir. Pour avoir fréquenté le corps hospitalier en aumônerie d’hôpital, je sais combien on ne se blinde jamais totalement face à la mort.

 

On ne sait que dire, on ne sait qu’écrire, toute parole semblant vaine et inappropriée face à la tragédie vécue. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de dire mon émerveillement. Ce que j’entends de nos échanges, c’est la vie qui se manifeste. Pas la vie biologique, ni celle stabilisée de la femme qui respire, ni celles de ceux qui autour d’elle l’accompagnent, non la vraie vie que nous avons tant de mal à déceler quand tout va bien, la vie éternelle qui irrigue, dynamise, donne sens à ce que nous croyons être la vie.

 

Dans cette toile de fond que la mort obscurcit et voile de douleur, une lumière vive éclaire cette scène tragique et terriblement naturelle. Je vois un tableau de Caravage. Une lumière crue vient éclairer les personnages faisant ressortir leur nature humaine sans l’idéaliser. Les classiques ont beaucoup critiqué l’art du Caravage, lui reprochant de peindre des scènes dénués de sentiment héroïque. Finalement, pour eux, il ne faisait pas de l’art, il dépeignait la nature. Et pourtant, n’était-il pas au plus prêt de l’héroïsme chrétien ?  L’héroïsme chrétien n’a pas de velléités héroïques au sens tragique du terme. L’héroïsme chrétien est un abandon dans lequel la puissance de la vie de Dieu peut surgir. Le tableau de l’héroïsme chrétien, c’est le Christ sur la Croix accueillant le péché du monde et laissant s’écouler de se son côté ouvert la vie.

 

Du corps de ta mère, Mathilde, où la vie s’achemine paisiblement vers la mort, la Vie surgit. Cette vie de Dieu, tendresse, amour et communion, cette vie si paisible que l’on n’y prend pas garde et pourtant cette vie qui anime le monde. Cette vie qui réconcilie, qui ravive l’amour, qui crée des liens nouveaux, est une lumière dans laquelle apparaît nettement le visage du Ressuscité. Nos vies, les gestes auxquels nous sommes attachés, la mémoire des jours et des moments, nos joies, nos peines, nos rancœurs, nos espoirs et nos déceptions sont transfigurées par cette vie de Dieu, par le Ressuscité en qui la mort se dissout pour laisser place à la dynamique aimante de Dieu. Elles sont transfigurées à l’image du Jésus que les disciples reconnaissent au lendemain de sa Résurrection quand il se présente à eux avec tout le poids des moments et des émotions qu’ils ont vécu ensemble.

 

On se demande ce que l’on pourrait dire pour vous consoler, pour vous donner espoir, pour donner sens et on se rend compte que c’est nous qui recevons un témoignage remarquable de l’amour de Dieu. Bien évidemment ma prière t’accompagne, vous accompagne tous. Mais cette prière est nourrie par l’Evangile qui se manifeste au milieu de vous et dont tu témoignes avec la faiblesse et la force de l’abandon dans la foi.

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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 00:11

 

Les lectures de ce dimanche nous invitent à ne pas nous tromper de place et de rôle.

 

Hommes et femmes, nous sommes tous des pécheurs. Chrétiennes et chrétiens nous avons en plus à porter le péché du monde avec le Christ afin d’en délivrer nos frères et nos sœurs. Nous ne sommes pas des juges qui condamnons au nom d’une vérité ou d’un bien dont nous serions les propriétaires. Nous sommes des hommes et des femmes qui, à la suite de Jésus, porté par la force de l’Esprit, abandonnés dans la confiance en l’amour du Père, pouvons accueillir le péché du monde afin qu’il n’empêche pas nos contemporains d’en être délivrés.

 

Si nous cherchons la pureté par nos propres forces, nous n’accueillerons jamais ce qui rend pur, l’amour de Dieu. Si nous cherchons à délivrer nos frères et nos sœurs du péché en leur faisant porter le poids d’un péché dans lequel ils sont déjà empêtrés, nous ne ferons qu’ajouter du poids à leur détresse les empêchant d’accueillir la délivrance que seule la rencontre du Dieu aimant peut offrir.

 

Nous pouvons condamner le monde parce qu’il rejette l’Alliance à laquelle Dieu l’invite, mais le risque est grand qu’en nous comportant ainsi nous ne faisions que couper ce monde de son créateur, que nous précipitions ceux que nous sommes censés mener au salut au désespoir et à la mort.

 

Seul Dieu est saint, seul Dieu sanctifie. Rejeter l’homme loin de Dieu, c’est le priver de son action salvatrice. Comment pourrions-nous nous dire sauvés si nous étions la cause, par notre manque de charité, d’abandon à l’amour du Père, de l’éloignement de nos frères et de nos sœurs de celui qui donne la vie ? Quelles valeurs, quelle vérité, pourraient justifier que nous nous éloignions de la volonté unique de Dieu, celle que toutes et tous soient un dans le Christ Jésus, Lui qui a porté le péché du monde, condamné et crucifié, pour que nous soyons sauvés ?

 

Oui, le monde est pécheur, oui, comme nous nos frères et nos sœurs sont pécheurs. Mais si nous voulons être à notre juste place, sans renier les valeurs auxquelles nous croyons, mais surtout sans renier la Vérité, le Christ Jésus, à laquelle nous avons donné notre foi, il nous faut sans cesse délester nos frères et nos sœurs du fardeau qui les empêche de se sentir enfant de Dieu, aimé de Dieu, quitte à porter, nous qui sommes forts de l’Esprit de Dieu, une part de fardeau plus lourde.

 

Nul ne devient saint en condamnant son frère. Nul ne s’éloigne de Dieu en accueillant un frère pécheur.

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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 20:06

 

Pas de message dimanche dernier car j'étais à Lille pour les Etats Généraux du Christinaisme. Je participais à l'emission du Jour du Seigneur dont le thème était "s'affirmer chrétien". Pour ceux qui auraient raté ce grand moment de télévision, voici le lien.

 

J'intervenais comme membre de la CCBF au côté de Thierry Bizot, producteur de télévision et auteur d'un livre sur sa conversion. L'ambiance était très détendue et j'ai été heureux de pouvoir dialoguer avec l'équipe du Jour du Seigneur sur ce que voulait dire "s'affirmer chrétien" et sur la manière dont cette affirmation pouvait être vécue.

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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 17:24

 

27e dimanche du temps ordinaire

Lectures : Is 5, 1-7 ; Ps 79, 9-10, 13-14, 15-16a, 19-20 ; Ph 4, 6-9 ; Mt 21, 33-43

 

Dieu donne. Mais ce que Dieu donne n’a pas de sens ni de valeur s’il n’est reçu comme un don de Dieu. Les ouvriers de la vigne de la parabole veulent garder la vigne et son fruit pour eux-mêmes et s’affranchir de celui qui les leur a donnés. Comme pour ceux d’Isaïe, le vin de leur vigne sera mauvais même si tout a été fait pour qu’il soit bon. Car ce qui qualifie le don de Dieu c’est la relation bienveillante qui le porte, c’est l’alliance, la communauté de programme entre celui qui donne et ceux qui reçoivent. C’est la vie, la vie divine qui ne se met pas en bouteilles mais jaillit et s’écoule librement pour irriguer et sanctifier le monde.

 

Si le texte d'Isaïe et la parabole de l'Evangile s'adressent au peuple élu, l'avertissement vaut tout autant pour l'Eglise actuelle et pour chaque chrétien. Ce don de Dieu, nous le recevons pleinement dans le baptême.  Mais ce don de la vie, reçu dans la mort et dans la résurrection du Christ deviendra mort si nous ne restons pas attachés à celui qui nous l'a donné et qui continue de nous le donner. De même l'Eglise deviendra une vigne qui produira du mauvais vin si elle ne reste pas accueillante à la volonté de Dieu, si elle ne reste pas dans une action de grâce, un retour vers Dieu, qui permet à la vie de Dieu de circuler dans le monde comme elle circule entre les trois personnes divines.

 

Dieu donne et Dieu se donne. Mais Dieu ne se laisse pas enfermer. Dieu sort de lui-même pour créer et sanctifier le monde. Dieu s’est fait homme pour qu’étant semblable à nous il nous permette de vivre pleinement dans sa communion. Mais cette communion vit de Dieu et nous pousse à nous ouvrir également au monde afin que ce don ne vienne pas s’échouer et mourir sur les barrières que nous dressons. Comme il est dit aux philippiens, tout ce que Dieu nous donne, et en premier lieu le don du Salut, nous avons à le prendre à notre compte, dans l’action de grâce. Quand nous avons la tentation de nous replier sur nous-mêmes, parfois pour des raisons honorables mais le plus souvent par peur des autres, nous sommes comme ces ouvriers de la vigne qui tuent les serviteurs et le fils de celui qui la leur a donnée. Quand, pour défendre nos valeurs, pour défendre ce que nous croyons, à juste titre, vrai et noble, juste et pur, nous arrêtons de mettre en pratique le cœur de ce qui nous est donné – l’amour de l’autre – nous rendons aux yeux de Dieu et aux yeux des hommes un contre-témoignage et pervertissons les vertus que nous souhaitons défendre.

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14 août 2011 7 14 /08 /août /2011 19:55

Lectures : Is 56, 1.6-7 ; Rm 11, 13-15.29-32 ; Mt 15, 21-28

 

Le silence de Dieu… L’impression que le salut n’est pas pour elle mais réservé à d’autres plus purs, mieux installés dans la « religion », aux ayant droit de Dieu…

A travers l’attitude du Christ, c’est peut-être le parcours d’obstacles spirituels de la cananéenne qui nous est donné à voir. Même le double discours des disciples souhaitant que le Christ obtempère mais pour que cette femme disparaisse peut nous faire réfléchir sur l’attitude que les chrétiens peuvent avoir vers ceux qui ont un besoin vital du Salut de Dieu. Ces obstacles, la cananéenne les franchit grâce à sa foi, cette foi qui lui obtient les compliments du Christ et la guérison de sa fille. Cette foi qui déplace des montagnes et en premier lieu les montagnes de nos préjugés, de nos opinions, de nos égoïsmes.

 

Car la leçon donnée par Paul aux chrétiens d’origine païenne de Rome, comme celle que nous recevons de l’évangile de ce jour porte moins sur l’universalité du salut que sur notre manque d’humilité et d’émerveillement devant la miséricorde de Dieu. Les disciples sont prêts à jeter des miettes de salut à la cananéenne pour qu’elle soit contente et arrête de leur casser les oreilles. La cananéenne voit dans ces mêmes miettes la totalité de la miséricorde. Les chrétiens d’origine païenne de Rome sont prêts à rejeter le peuple élu puisqu’ils sont certains d’être le peuple sauvé oubliant que le salut qu’ils obtiennent tout comme l’élection du peuple juif est avant tout une alliance fondée sur le don permanent de Dieu.

 

Il est certainement plus facile de se conformer à une tradition qui emprisonne Dieu dans des coutumes humaines que de s’avouer que dans l’histoire du salut nous ne sommes qu’une réponse suspendue à un don qui nous dépasse. L’universalité promue par Isaïe est encore une universalité par assimilation culturelle (et cultuelle) ne concernant que les étrangers qui se plient aux rites de la religion juive. Celle qu’offre le Christ est une fraternité reposant sur son propre don. Une fraternité qui ne peut exister que si elle est vécue dans un don similaire, la mission.

 

C’est cette fraternité missionnaire qui doit changer le regard que nous portons sur les hommes et les femmes de notre temps et particulièrement ceux dont les difficultés les mettent en situation d’exclusion. C’est cette fraternité missionnaire qui doit nous pousser à déceler dans leurs cris de détresse des cris de foi ou à convertir ces cris de détresses en cri de foi. Une fraternité qui témoigne de la miséricorde de Dieu, une fraternité qui accueille l’autre comme un don.

 

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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 12:08

 

Les toiles de Claude Legrand à la cathédrale d’Orléans.

Si vous avez encore le temps de programmer des visites culturelles durant l’été, je vous invite à faire un tour par la cathédrale d’Orléans avant la fin du mois d’août pour découvrir l’œuvre de Claude Legrand, artiste peintre de 46 ans, qui y présente un travail sur différents grand thèmes bibliques et religieux. Abstraction faite de son titre, œuvres sacrées, qui tout comme l’expression art sacré ne me parait pas juste (l’œuvre d’art est une production humaine pour les hommes, un dialogue qui n’a rien de sacré même si les thèmes sont religieux et même si l’artiste les crée dans une recherche spirituelle), cette exposition temporaire présente l’œuvre d’un artiste aux accents expressionnistes qui permet d’entrer pleinement dans le mystère de la réception par l’homme du Salut proposé par Dieu. Les expressions légèrement torturées de certains des personnages y brisent notre vision bien souvent trop « naturelle » des évangiles qui gomme allègrement les aspérités des natures humaines des disciples du Christ pour en faire des saints désincarnés, des héros de romans dénués de ce qui fait la beauté et l’intérêt des êtres humains : leurs failles, leurs questions, leurs souffrances, leurs joies…

L’exposition, projet de fin de deuxième cycle d’une étudiante de l’Institut d’Etudes Supérieures des Arts, Marie-Alix Cherchillez, a été produite par l’association Claude Legrand, présidée par Hadrien Lacoste, et la Commission d’art sacré du diocèse d’Orléans, présidée par l’abbé de Scitivaux.   

 

cene.jpg  La Cène, 2011


 Les vitraux d’Imi Knoebel à la cathédrale de Reims.

Inaugurés en juin 2011, cet ensemble de six vitraux n’a rien de temporaire et seul le désir de les voir nécessitera de vous presser. L’œuvre d’Imi Knoebel, artiste allemand né en 1940 et grande figure de l’abstraction depuis 50 ans, encadre les célèbres vitraux de Marc Chagall (1974) au fond de la cathédrale. Ils forment un écrin de lumière puissant, peut-être trop puissant car les vitraux de Chagall semblent d’autant plus mats à leurs côtés, composé d’une construction abstraite de bleu, de jaune, de rouge et de blanc répondant de manière contemporaine au vocabulaire et à la grammaire des vitraux anciens de la cathédrale. Cette œuvre lumineuse et joyeuse d’un artiste allemand dans la cathédrale martyre de Reims est également pleine de sens et fait écho à la réconciliation franco-allemande scellée en juillet 1962 dans le même lieu par le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer.

Cette œuvre est le fruit d’une commande publique initiée en 2000 par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne. Sa réalisation a été confiée aux ateliers de maîtres verriers Duchemin à Paris et Simon Marq à Reims.

 

VITRAIL0611-510_cr200.jpg

 

Mais, pour ces deux productions culturelles, se pose non la question de la réception des publics (même si pour les vitraux d’Imi Knoebel, l’absence totale d’information ne doit pas aider les publics à l’apprécier… il n’y a même pas un cartel avec le nom de l’artiste !) mais bien celle de l’appropriation des communautés chrétiennes qui vivent dans ses lieux. A Orléans, le prêtre qui avait pourtant donné son accord pour cette exposition n’a pas hésité à faire un prêche contre celle-ci durant une messe se faisant applaudir par ses paroissiens (on rêverait que ces paroissiens l’applaudissent pour la qualité de ses commentaires de la  Parole). A Reims, un ami plus curieux que moi ou moins fataliste devant l’absence de documents mis à la disposition du public s’est entendu répondre quand il a demandé des informations aux personnes de l’accueil de la cathédrale : « Ah, si ces vitraux vous intéressent, emportez-les ! ». Sans rêver que toutes et tous ressentent le même intérêt que moi pour les œuvres exposées (heureusement que nous sommes différents et que nous n’éprouvons pas tous les mêmes émotions devant les mêmes œuvres !), il me paraît totalement ahurissant que des chrétiens qui représentent leur communauté face au public qui vient voir ces œuvres, parfois de loin, aient de telles réactions. Ce n’est pas à eux que je jette la pierre mais bien aux responsables de ces projets et particulièrement aux responsables ecclésiaux de ces projets qui prennent ces bâtiments pour des lieux d’expositions oubliant qu’ils sont avant tout le lieu de vie d’une communauté chrétienne. Concernant le prêtre de la cathédrale d’Orléans sa réaction, alors qu’il avait donné son accord pour l’exposition, est totalement sidérante de mauvaise foi et de bêtise pastorale.

L’art contemporain est depuis toujours le bienvenue dans les églises et dans les cathédrales même si la fin du XIXe siècle nous a légué une conception mortifère de la conservation d’un patrimoine qui ne devrait plus subir aucune altération. Des chrétiens sont parfois aujourd’hui réticents face à certaines productions culturelles, parfois pour de bonnes raisons, mais peut-être également de temps en temps parce qu’ils rêvent de conserver une Eglise de toujours rêvée et dont ils oublient, tout comme pour les personnages de l’Evangile, qu’elle n’a cessée, elle-aussi, d’être humaine, vivante et changeante, dans ses formes comme dans ses productions. Il me paraît donc urgent de mettre en place dans le cadre des actions d’exposition ou de commandes d’œuvres d’art dans les églises un volet obligatoire destiné aux communautés qui y vivent afin qu’elles se les approprient et puissent en être témoin. Ceci n’annihilant aucunement le goût de chaque membre de la communauté, appelé à exercer dans ce domaine comme dans les autres sa capacité et sa liberté de jugement.

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7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 19:14

19e dimanche du temps ordinaire

1R 19, 9a.11-13a / Rm 9, 1-5 / Mt 14, 22-33

 

Il est bien difficile de trouver des liens directs entre les différents textes de ce dimanche. Evidemment, nous connaissons le lien entre Elie à l’Horeb et la partie dédiée à Israël de l’Epitre de Paul aux Romains, l’espérance du petit reste d’Israël qui sera sauvé par la grâce de Dieu malgré l’endurcissement du peuple (Rm 11,2-4 cite 1R19, 14.18). Mais ce lien n’est pas présent dans les textes que nous lisons aujourd’hui. Et quelle résonance pourrait alors apparaître avec cet épisode de l’Evangile que nous résumons habituellement à Pierre tentant de marcher sur les eaux à la suite de Jésus ?

 

Je crois que la lecture simultanée de ces trois textes est pourtant extrêmement enrichissante car elle nous amène au cœur du questionnement de trois hommes face à leur Dieu, un questionnement douloureux issu tout à la fois d’une sublime volonté et d’un échec.

 

Elie, tout d’abord, le prophète modèle, le héraut de Dieu, le vainqueur des prêtres de Baal et de Jézabel, Elie qui parlait en direct avec son Dieu et qui tout d’un coup désespère, s’enfuit au désert, prêt à mourir. Elie qui nourrit par Dieu est mené jusqu’à l’Horeb pour rencontrer le Seigneur à la manière de Moïse. Elie pense être le dernier, avoir totalement raté sa mission, et pourtant après la tempête intérieure, le murmure d’une brise légère, la voix d’un fin silence dans laquelle il reconnaît la voix de Dieu, va venir le remettre en route sur le chemin des hommes pour continuer de servir l’alliance entre Dieu et son peuple.

 

Paul, le pourfendeur de chrétiens, le juif refusant d’accueillir la parole de Dieu, le converti du chemin de Damas (coïncidence sans incidence, c’est le même chemin que prend Elie en quittant l’Horeb) par la voix du ressuscité. La douleur incessante de Paul n’est pas une douleur théorique, c’est une douleur mélangée à une grande joie inscrite dans sa chair. Le petit reste sauvé par la grâce dont il fait partie n’est pas une simple image du salut des temps dernier. Il ressent certainement avec la même douleur que le prophète Elie la rupture de l’alliance entre le peuple élu et son Dieu. Paul veut empêcher les chrétiens de Rome, majoritairement issus du paganisme, de rompre avec Israël et de devenir la cause des divisions entre chrétiens issus ou non du judaïsme. Il leur rappelle l'importance de l'histoire du salut et son actualité et témoigne par sa propre vie de l'économie même du Salut qu'il développe dans sa lettre, dépassant ce qui paraît être un échec de l'Alliance.  Et il ne peut le faire que « dans le Christ ».

 

Pierre enfin, le disciple appelé à prendre la première place, dans un moment tout à la fois de grande frayeur et de grande intimité avec le Seigneur (qui n’est pas sans rappeler l’état intérieur d’Elie à l’Horeb) doute alors que la parole de Jésus qu’il a lui-même sollicitée le porte. La volonté de se dépasser à l’appel du Seigneur est annihilée par la peur que ce dépassement de soi engendre. Et la demande de surpassement devient une demande de salut. Pierre revivra un épisode quasi identique avec son reniement, préjugeant de la force de sa volonté et accueillant suite à son échec le salut de Jésus.

 

C’est la grâce de Dieu qui permet à Elie, Paul et Pierre de dépasser leurs peurs, leurs questionnements et ce qu’ils ressentent comme des échecs personnels ou collectifs. Et cette grâce s’incarne dans une rencontre et une voix. Une rencontre personnelle et une voix, parfois d’un fin silence, qui nous amène nous aussi à ne pas désespérer de nous-mêmes et de nos frères. Une rencontre personnelle qui nous donne la folie de nous dépasser pour celui que nous reconnaissons comme notre Seigneur et la force d’appeler sa miséricorde à la rescousse quand nous nous sentons couler sous le poids de nos échecs et de nos faiblesses. Une voix qui, tant qu’elle sera entendue par quelques-uns et annoncée au plus grand nombre, continuera de faire briller au cœur du monde l’offre se salut de Dieu.

 

 

couvElie BibliaSur Elie à l’Horeb, et sans vouloir m’auto-promouvoir, voir le dernier numéro de Biblia (juillet 2011) dont j’ai rédigé le dossier.

 


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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 18:52

 

Etes vous prêt à réveiller Léviathan ?

 

monumenta_anish_kapoor_exterieur.jpg

 

Il sommeille au Grand Palais. Gonflé de lui-même, il a pris possession du lieu, le remplissant de ses trois bras sphériques, démesurés. L’immense cathédrale de verre semble trop petite pour accueillir la bête qui s’est  étendue au maximum de l’espace qui lui était donné. Pas de têtes de dragons, pas de corps de serpent, pas de gueule ouverte semblant vouloir avaler le monde, mais une force tranquille, sereine, majestueuse. Léviathan n’est pas une sculpture c’est un corps-architecture déployé pour investir l’espace, tout l’espace. Un corps à la peau oscillant du rouge au noir sous les effets de la lumière changeante. De la lave aux ténèbres, de la lumière à l’ombre, il nous repousse sous l’effet de la démesure dans les coins les plus reculés de la nef pour tenter d’embrasser une forme qui ne se donnera jamais dans son entier à nos sens mais nous forcera à la déduire, l’évaluer, la construire pour que petit à petit notre intelligence vienne à bout de ce que notre regard et notre corps ne peut dominer. Il y a quelque chose du monde, de la vie, de l’infini dans ce Léviathan qui nous oblige à nous considérer comme infiniment petit. Le corps à corps est inégal et son silence pesant laisse notre intelligence désespérément seule dans sa contemplation intellectuelle.

 

monumenta_anish_kapoor_interieur.jpg

 

Sa forme nous repousse et son vide nous accueille. Son vide ou son ventre dans lequel nous sommes invités à pénétrer. Ce vide rouge à l’atmosphère pesante. Ce vide où nous nous sentons tout à la fois mal à l’aise et peut-être au plus près de nous-mêmes. Ce vide qui se prolonge par du vide, ces trois tentacules intérieures qui sont comme des chemins qui nous attirent et nous effraient. Le temps ne s’y arrête pas mais s’y étale. Les battements de notre cœur y résonnent comme si la peau de la bête était notre propre peau, nos propres tempes. Mais la pulsation est faible. Un voyage s’opère qui paraît nous emporter dans un passé intérieur. Petite enfance, protohistoire, psychanalyse. Y demeurer trop longtemps ne serait pas une bonne idée. A moins que, la frayeur des découvertes possibles passée, nous y soyons comme dans un cocon, un ventre maternel idéal, abris contre la rudesse d’un monde dont nous ne cessons de nous protéger en le mettant à distance. Pourtant, ce ventre est un monde à lui tout seul, un monde à la lumière parcimonieuse et aux extensions inatteignables. Repoussé au-dedans de nous-mêmes, ce que nous croyons être le chemin de nous-mêmes nous repousse encore dans l’imagination de ce que nous sommes, dans l’imagination de ce que nous pourrions découvrir.

 

Le temps et l’espace, ce que nous voyons et ce que nous construisons, s’exposent face à l’inertie du corps-arcitecture de Léviathan qui nous repousse à l’intérieur de ce que nous sommes et à l’extérieur de ce que nous voyons. L’œuvre monumentale d’Anish Kapoor nous plonge dans le silence, nous empêche de mettre immédiatement des mots pour contrôler ce que nous croyons voir. La cloche de verre qu’est la nef du Grand Palais, architecture de culture sur laquelle nous pensions nous appuyer pour nous aider à maîtriser la bête, ne nous est d’aucun secours. Son immensité semble réduite comme notre grandeur à l’état d’infiniment petit. La forme que notre esprit construit pour se l’approprier s’échappe dans les aspirations des vides où son ventre nous entraîne. Nous n’arrivons pas à matérialiser cette œuvre qui nous aspire. Nous tentons bien de la rattacher à l’artiste pour l’assujettir par un discours esthetico-conceptuel, mais Léviathan semble s’être généré de lui-même sans acte créateur tout comme les hommes modernes que nous souhaitons être. Un corps à corps inégal, voilà tout ce qui nous reste à vivre face à la bête endormie, face à ce monstre paisible.

 

On peut évidemment se souvenir que comme lui nous avons un créateur dont la puissance peut fracasser la tête de Léviathan (Ps 74, 14), le châtier (Is 27, 1) et espérer sous la protection de la divine puissance retrouver un monde que nous pouvons maîtriser, on peut également nier Léviathan en le rabaissant au statut d’œuvre inanimée, d’artefact humain… mais l’expérience artistique que nous avons vécu et que je ne peux que vous inviter à vivre reste bien présente. Elle nous remet à notre juste place d’homme.

 

« Yahvé, qu’est-ce donc que l’homme que tu le connaisses,

L’être humain, que tu penses à lui ?  

L’homme est semblable à un souffle,

Ses jours sont comme l’ombre qui passe. » (Ps 144, 3-4)

 

 

Léviathan, Anish Kapoor

Monumenta 2011, Grand Palais (jusqu’au 23 juin)

Anish Kapoor est un sculpteur anglais né à Bombay. Son travail a été récompensé par de nombreux prix.      

 

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12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 17:41

 

A la messe aujourd’hui, nous avons adressé à l’Esprit Saint, en conclusion de la séquence de la fête de Pentecôte, cette belle prière : « Donne nous la joie éternelle. »

C’est qu’elle nous manque cette joie éternelle. Elle nous manque et elle manque au monde. Oh, je ne dis pas que tous les chrétiens sont malheureux et qu’ils présentent à leurs frères et sœurs des faces de carême, mais quand même… je trouve que nous manquons de joie et que notre discours est trop souvent celui du péché plutôt que celui du salut, celui des obligations plutôt que celui des bonheurs.

Et pourtant Dieu nous appelle à la joie. Il nous envoie son Esprit pour que nous trouvions les chemins qui nous mènent à lui, aux noces éternelles qui, à l’en croire ne sont pas des funérailles éternelles mais la joie de la Résurrection, de la vie éternelle.

En deux mots, je trouve que nous manquons souvent de cet esprit de Pentecôte. De ce coup de vent incandescent qui chasse les peurs et les replis sur soi. De ce coup de vent incandescent qui fait disparaître les murs de la maison dans laquelle nous nous tenons pour que le peuple assemblé puisse découvrir les merveilles de Dieu.

Certainement pour être fidèle à son Seigneur, il me semble que l’Eglise ne cesse de dresser des murs de protection ou de vertus là où l’Esprit s’échine à les abattre pour rendre les chemins de Dieu  plus faciles à prendre. Alors, je sais bien que Jésus nous a dit « il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer au royaume des cieux » (Mc 10,25) mais j’ai comme l’impression que notre témoignage décourage pauvres et riches plutôt que de leur offrir la vision d’un Dieu qui leur tend la main pour les aider à avancer.

Parce que c’est bien de cela dont il s’agit. Accueillir l’autre dans la joie du chemin déjà parcouru et non dans la détresse du chemin impossible qu’il faudrait encore parcourir. Accueillir l’autre dans la joie de l’annonce que le chemin de Dieu n’est pas un chemin impossible mais au contraire un chemin sur lequel Dieu lui-même l’attend pour le porter, pour le lui rendre possible.

Nous savons bien que sans l’Esprit qui nous fait reconnaître Jésus comme Seigneur, nous serions incapables d’avancer. Nous savons bien que sans Jésus qui nous pardonne et nous invite à reprendre la marche, nous aurions fait depuis longtemps demi-tour. Nous savons bien que sans l’amour du Père qui sans cesse nous donne la vie, nous donne l’Esprit, nous n’aurions d’autres espoirs que celui de vivre au mieux une vie dont le seul horizon serait notre mort.

La joie éternelle que nous souhaitons recevoir de l’Esprit Saint, c’est la joie de la Résurrection, la joie d’être aimé par un Dieu qui ne s’arrête pas à nos fautes mais nous assure que la vie vaut la peine d’être vécue parce qu’elle vient de lui et mène à lui. Si nous avons la chance d’avoir reçu l’Esprit Saint, nous savons qu’à Dieu rien n’est impossible puisque nous avons fait l’expérience de sa miséricorde, nous qui nous savons pécheur.

Alors pourquoi ne pas témoigner auprès de nos frères de ce bonheur là plutôt que des difficultés que nous rencontrons et dont ils ont parfaitement conscience dans leurs propres vies. Pourquoi ne pas témoigner qu’à Dieu tout est possible ! Que celui qui a été traité comme les plus indignes est ressuscité des morts pour que la paix soit sur nous. Que celui qui a vaincu la mort peut relever les vies les plus difficiles !

Ne manquons pas de foi en mésestimant la force de l’Esprit. Mais témoignons de sa force en témoignant de la joie qu’il nous donne.

Témoignons auprès de nos frères et de nos sœurs que la joie éternelle de Dieu leur est aussi offerte et que rien dans leur vie ne peut les en rendre indignes s’ils acceptent d’accueillir l’Esprit de vie, l’Esprit de Dieu.

 

 

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 23:59

 

Fin de l’happy end, début de la vraie vie.

Jésus nous quitte pour la deuxième fois. Le ressuscité qui était revenu affermir notre foi durant quarante jours va rejoindre son père pour un temps que nul ne connaît. Mais cette séparation est également, paradoxalement, le don de sa présence jusqu’à la fin du monde.

Encore faut-il accepter d’entrer avec lui dans la vraie vie. C’est-à-dire de cesser de scruter le ciel pour espérer le voir. Il reviendra de la même manière qu’il s’en est allé vers le ciel… mais entre son départ et son retour il ne nous est pas demandé de mettre le monde entre parenthèse.

Ce monde, il l’a marqué de sa présence. L’iconographie chrétienne, quand elle représente l’ascension, n’hésite pas à faire apparaître les marques de ses pieds sur le rocher, signe indélébile de sa présence. Ce monde, nous y sommes envoyé en mission, pas en retraite.

Cette séparation est un cadeau. Elle nous oblige à chercher Jésus là où il est vraiment. Non pas très loin par-dessus les cieux, mais tout proche, avec nous, comme il nous l’a promis. « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. »  

Avec nous, sans que nous ayons besoin de nous façonner un Jésus présent qui nous rassure, une idole déposée dans un tabernacle que nous nommerions Eglise comme si l’Eglise était autre chose que l’humanité vivant avec, par et en Jésus.

Car Jésus nous l’a dit, nous l’a répété. S’il est présent auprès de nous, c’est dans nos frères et dans nos sœurs. La mission à laquelle nous sommes appelés n’est pas de baptiser les hommes et les femmes pour que l’Eglise croisse. La mission à laquelle nous sommes appelés c’est de faire découvrir aux hommes et aux femmes qu’ils sont fils et filles de Dieu en Jésus. Qu’ils sont frères et sœurs en Jésus. Qu’ils sont l’Eglise, qu’ils sont les enfants de Dieu, sauvés dans le Christ, aimés par leur Père. Et cette mission ne peut passer que par notre propre témoignage. Un témoignage d’humilité, de patience et de miséricorde à l’image de celui de Jésus. Une vie entièrement tournée vers notre Père dont nous recevons l’amour, la vie.

La séparation de l’Ascension n’est pas l’absence, la séparation de l’Ascension c’est la possibilité d’accueillir le don qui nous est fait à la Pentecôte, celui de l’Esprit, afin d’entrer pleinement dans le mystère de Dieu, dans la vie de Dieu, dans la présence de Dieu.

Notre vie, notre vraie vie, prend tout son sens dans cet happy end qu’est la résurrection de Jésus, le triomphe de l’amour de Dieu pour son fils, pour tous ses enfants. La présence de Jésus se manifeste pleinement quand nous participons à manifester dans son Esprit ce lien de filiation que rien ne peut entamer, pas même la mort. Nul ne sait quand il reviendra comme il s’en est allé, mais nous sommes certains que tant que nous verrons dans l’homme et la femme que nous croisons, un fils et une fille de Dieu, il sera avec nous.

Et le jour où il reviendra, c’est bien sur cette certitude qu’il nous questionnera. Si nous avons vécu de cette certitude, nul doute que nous vivrons un happy end.

 

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