Lectures : Ac 2, 14a.36-41 ; Ps 22, 1-6 ; 1P 2, 20b-25, Jn 10, 1-10
Devant les pharisiens, Jésus reprend le thème de la prophétie d’Ezéchiel « Fils d'homme, parle en prophète contre les bergers d'Israël, parle en prophète pour leur dire ceci : Parole du Seigneur Dieu : Malheur aux bergers d'Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! N'est-ce pas pour les brebis qu'ils sont bergers ? »(Ez 34,2). Une prophétie où Dieu fustigeait les bergers qui n’avaient pas protégé le troupeau qui leur était confié et l’avait laissé être dispersé, une prophétie où il annonçait qu’il conduirait désormais lui-même ce troupeau : « Maintenant, j'irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles. […] C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer, déclare le Seigneur Dieu. » (Ez 34, 11.15). Qu’il lui donnerait un véritable pasteur : « Je susciterai pour le mettre à leur tête un pasteur qui les fera paître, mon serviteur David : c’est lui qui les fera paître et sera pour eux un pasteur. Moi, Yahvé, je serai pour eux un Dieu et mon serviteur David sera prince au milieu d’eux. » (Ez 34, 23-24)
Mais en expliquant ses paroles, Jésus ne dit pas d’abord qu’il est le bon pasteur par opposition aux mauvais pasteurs (il ne le dira qu’au verset 11 que nous ne lisons pas aujourd’hui), il dit qu’il est la porte des brebis. Ce lieu de passage permettant d’entrer dans la bergerie et de sortir vers les verts pâturages promis dans la prophétie d’Ezéchiel. Jésus est la porte des brebis, il est le lieu de passage en qui nous nous retrouvons pleinement membres de l’alliance promise dans la prophétie d’Ezéchiel « Je conclurai avec eux une alliance de paix, je ferai disparaître du pays les bêtes féroces. Ils habiteront en sécurité dans le désert, ils dormiront dans les bois. D’eux et des alentours de ma colline, je ferai une bénédiction. » (Ez 34, 25-26).
Jésus est l’alliance nouvelle que nous avons célébrée à Pâques. « Si quelqu’un entre par moi, il entrera et sortira, et trouvera un pâturage. » C’est pourquoi Pierre exhorte le peuple rassemblé au jour de la pentecôte à être baptisé au nom de Jésus Christ, c’est-à-dire à passer la porte des brebis, à entrer dans la mort et la résurrection du bon pasteur qui a déposé et repris sa vie (Jn 10,17) pour qu’à leur tour ses brebis aient la vie surabondante. « Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. C'est pour vous que Dieu a fait cette promesse, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera. »
Jésus n’est pas que la porte par laquelle doivent passer les brebis pour entrer dans la nouvelle alliance. Il est également la porte par laquelle doivent passer les pasteurs qui souhaitent faire paître les brebis. Mais qui sont aujourd’hui ces pasteurs puisque le troupeau n’a qu’un unique berger, Jésus ? Une fois encore revenons à la prophétie d’Ezéchiel. Si Dieu souhaite retirer son troupeau des mains des mauvais pasteurs, il annonce également qu’il jugera entre brebis et brebis, entre béliers et boucs (Ez 34,17). « Parce que vous avez frappés des reins et de l’épaule et donné des coups de cornes à toutes les brebis souffreteuses jusqu’à les disperser au-dehors, je vais venir sauver mes brebis pour qu’elles ne soient plus au pilage, je vais juger entre brebis et brebis. » (Ez 34, 21-22). Toutes les brebis du troupeau ont un rôle de pasteur. Si les mauvais pasteurs sont condamnés pour n’avoir pas fait paître le troupeau tout en l’exploitant pour leur bien propre, les brebis le seront tout autant pour n’avoir pas partagé justement les dons de Dieu, s’arrogeant la meilleure part et refusant de partager équitablement avec le plus faible. Et si certains sont choisis dans le troupeau pour signifier particulièrement ce rôle, ce n’est pas pour être sorti du troupeau mais pour veiller à ce que chaque brebis reçoive sa juste part et se conduise comme l’unique pasteur vis-à-vis de l’ensemble du troupeau.
Ce qui importe à Dieu ce n’est pas la bergerie mais chaque brebis. La bergerie n’est qu’une porte par laquelle la brebis entre pour être sauvée, par la quelle la brebis sort pour accéder au pâturage promis, à la vie. Etre pasteur à la suite de Jésus ce n’est pas entasser des brebis dans la bergerie pour avoir le plus grand troupeau. Ce n’est pas construire des murs épais de vérités et de jugements à sa bergerie pour que les brebis soient protégées. Etre pasteur c’est faire résonner la voix de Jésus que le brebis reconnaîtront, c’est les appeler à la liberté de l’alliance, c’est manifester cette alliance en donnant la vie aux brebis au nom de celui qui a donné la sienne librement, par amour pour les brebis.
Il serait peut-être plus confortable, comme pasteur, d’avoir un troupeau de brebis merveilleuses parquées dans une bergerie idéale. D’en interdire l’entrée à celles qui ne sont pas pures ! Mais quel pasteur oserait condamner la porte des brebis quand la porte des brebis n’a pas condamné ceux qui le menaient à l’abattoir. « C'est bien à cela que vous avez été appelés, puisque le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces, lui qui n'a jamais commis de péché ni proféré de mensonge : couvert d'insultes, il n'insultait pas ; accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice. Dans son corps, il a porté nos péchés sur le bois de la croix, afin que nous puissions mourir à nos péchés et vivre dans la justice : c'est par ses blessures que vous avez été guéris. Vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes revenus vers le berger qui veille sur vous. »
Etre pasteur pour nos frères, c’est témoigner de Dieu et de sa miséricorde, les mener à la porte des brebis, au salut et au pâturage promis. Etre pasteur, c’est avoir suffisamment confiance en Dieu pour lui laisser le soin de juger lui-même les brebis dont nous faisons partie.