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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 12:46

Lectures : Ac 2, 14a.36-41 ; Ps 22, 1-6 ; 1P 2, 20b-25, Jn 10, 1-10

 

Devant les pharisiens, Jésus reprend le thème de la prophétie d’Ezéchiel « Fils d'homme, parle en prophète contre les bergers d'Israël, parle en prophète pour leur dire ceci : Parole du Seigneur Dieu : Malheur aux bergers d'Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! N'est-ce pas pour les brebis qu'ils sont bergers ? »(Ez 34,2). Une prophétie où Dieu fustigeait les bergers qui n’avaient pas protégé le troupeau qui leur était confié et l’avait laissé être dispersé, une prophétie où il annonçait qu’il conduirait désormais lui-même ce troupeau : « Maintenant, j'irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles. […] C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer, déclare le Seigneur Dieu. » (Ez 34, 11.15). Qu’il lui donnerait un véritable pasteur : « Je susciterai pour le mettre à leur tête un pasteur qui les fera paître, mon serviteur David : c’est lui qui les fera paître et sera pour eux un pasteur. Moi, Yahvé, je serai pour eux un Dieu et mon serviteur David sera prince au milieu d’eux. » (Ez 34, 23-24)

 

Mais en expliquant ses paroles, Jésus ne dit pas d’abord qu’il est le bon pasteur par opposition aux mauvais pasteurs (il ne le dira qu’au verset 11 que nous ne lisons pas aujourd’hui), il dit qu’il est la porte des brebis. Ce lieu de passage permettant d’entrer dans la bergerie et de sortir vers les verts pâturages promis dans la prophétie d’Ezéchiel. Jésus est la porte des brebis, il est le lieu de passage en qui nous nous retrouvons pleinement membres de l’alliance promise dans la prophétie d’Ezéchiel « Je conclurai avec eux une alliance de paix, je ferai disparaître du pays les bêtes féroces. Ils habiteront en sécurité dans le désert, ils dormiront dans les bois. D’eux et des alentours de ma colline, je ferai une bénédiction. » (Ez 34, 25-26).

 

Jésus est l’alliance nouvelle que nous avons célébrée à Pâques. « Si quelqu’un entre par moi, il entrera et sortira, et trouvera un pâturage. » C’est pourquoi Pierre exhorte le peuple rassemblé au jour de la pentecôte à être baptisé au nom de Jésus Christ, c’est-à-dire à passer la porte des brebis, à entrer dans la mort et la résurrection du bon pasteur qui a déposé et repris sa vie (Jn 10,17) pour qu’à leur tour ses brebis aient la vie surabondante. « Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. C'est pour vous que Dieu a fait cette promesse, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera. »

 

Jésus n’est pas que la porte par laquelle doivent passer les brebis pour entrer dans la nouvelle alliance. Il est également la porte par laquelle doivent passer les pasteurs qui souhaitent faire paître les brebis. Mais qui sont aujourd’hui ces pasteurs puisque le troupeau n’a qu’un unique berger, Jésus ? Une fois encore revenons à la prophétie d’Ezéchiel. Si Dieu souhaite retirer son troupeau des mains des mauvais pasteurs, il annonce également qu’il jugera entre brebis et brebis, entre béliers et boucs (Ez 34,17). « Parce que vous avez frappés des reins et de l’épaule et donné des coups de cornes à toutes les brebis souffreteuses jusqu’à les disperser au-dehors, je vais venir sauver mes brebis pour qu’elles ne soient plus au pilage, je vais juger entre brebis et brebis. » (Ez 34, 21-22). Toutes les brebis du troupeau ont un rôle de pasteur. Si les mauvais pasteurs sont condamnés pour n’avoir pas fait paître le troupeau tout en l’exploitant pour leur bien propre, les brebis le seront tout autant pour n’avoir pas partagé justement les dons de Dieu, s’arrogeant la meilleure part et refusant de partager équitablement avec le plus faible. Et si certains sont choisis dans le troupeau pour signifier particulièrement ce rôle, ce n’est pas pour être sorti du troupeau mais pour veiller à ce que chaque brebis reçoive sa juste part et se conduise comme l’unique pasteur vis-à-vis de l’ensemble du troupeau.

 

Ce qui importe à Dieu ce n’est pas la bergerie mais chaque brebis. La bergerie n’est qu’une porte par laquelle la brebis entre pour être sauvée, par la quelle la brebis sort pour accéder au pâturage promis, à la vie. Etre pasteur à la suite de Jésus ce n’est pas entasser des brebis dans la bergerie pour avoir le plus grand troupeau. Ce n’est pas construire des murs épais de vérités et de jugements à sa bergerie pour que les brebis soient protégées. Etre pasteur c’est faire résonner la voix de Jésus que le brebis reconnaîtront, c’est les appeler à la liberté de l’alliance, c’est manifester cette alliance en donnant la vie aux brebis au nom de celui qui a donné la sienne librement, par amour pour les brebis.

 

Il serait peut-être plus confortable, comme pasteur, d’avoir un troupeau de brebis merveilleuses parquées dans une bergerie idéale. D’en interdire l’entrée à celles qui ne sont pas pures ! Mais quel pasteur oserait condamner la porte des brebis quand la porte des brebis n’a pas condamné ceux qui le menaient à l’abattoir. « C'est bien à cela que vous avez été appelés, puisque le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces, lui qui n'a jamais commis de péché ni proféré de mensonge : couvert d'insultes, il n'insultait pas ; accablé de souffrances, il ne menaçait pas, mais il confiait sa cause à Celui qui juge avec justice. Dans son corps, il a porté nos péchés sur le bois de la croix, afin que nous puissions mourir à nos péchés et vivre dans la justice : c'est par ses blessures que vous avez été guéris. Vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes revenus vers le berger qui veille sur vous. »  

 

Etre pasteur pour nos frères, c’est témoigner de Dieu et de sa miséricorde, les mener à la porte des brebis, au salut et au pâturage promis. Etre pasteur, c’est avoir suffisamment confiance en Dieu pour lui laisser le soin de juger lui-même les brebis dont nous faisons partie. 

 

 

 

 

 

 

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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 00:16


Combien de sermon de vendredi saint commencent par cette phrase : « Tournons-nous vers la croix et contemplons notre Dieu. » Pourtant, sur la Croix, c’est d’abord l’humanité assassine et assassinée qui nous est donnée à voir.

 

La Passion selon saint Jean nous affronte à l’effroyable réalité humaine. Iniquité, haine, trahison, reniement, peur… sont les immondes atours de cette humanité composée des chefs des juifs, des romains mais également des disciples du Christ, ramassis de traîtres, lâches et renégats. C’est cette humanité qui au fil des lignes dessine la croix sur laquelle Jésus sera cloué.

 

Contrairement aux évangiles synoptiques, l’évangile de Jean ne relate pratiquement pas le « procès » juif de Jésus. Il a largement traité dans les chapitres précédents, dans les différents dialogues entre Jésus et les différents responsables religieux juifs mais également dans la décision répétée des chefs juifs de le mettre à mort. Le procès relaté est un procès laïc, le procès d’un homme et non le procès de Dieu. Sur la croix, il s’agit d’abord d’un homme assassiné dans une parodie de justice qui livre l’innocent à la mort sous la pression de la haine populaire.

 

La question devant la croix n’est donc pas tant, dans un premier temps, « Qu’avons-nous fait à Dieu ? » mais « Qu’avons-nous fait à cet homme ? » et par extension immédiate « Qui sommes nous pour avoir fait une telle chose ? ».

 

Mais ne nous contentons pas de regarder Jésus sur la croix. Suivons-le dans tout le récit. Voyons-le lors de son arrestation, protégeant ses disciples quand l’un d’eux le livre. Voyons-le devant Caïphe : Jésus en appelle en confiance aux témoignages de ceux qui l’ont écouté dans le temple alors qu’au même instant Pierre trahit sa parole et le renie. Voyons-le devant Pilate : Jésus refuse comme Pilate le lui suggère de faire des reproches ou de faire porter la responsabilité de sa situation sur les disciples qui l’ont abandonné ou même sur ceux de son peuple qui l’ont livré. Cela leur a été permis par une force qui les dépasse. Voyons-le enfin sur la Croix, au moment de mourir, se préoccuper de sa famille humaine et spirituelle, les confiant l’un à l’autre comme un bon père de famille s’attachant à ce que les siens ne manquent de rien.

 

Quel contraste radical entre ce que l’humanité peut produire de pire et ce flot de miséricorde et de confiance que manifeste Jésus pour les siens, c’est-à-dire pour tous !

 

Face à la croix, nous ne pouvons pas faire l’économie de la question « Qui sommes-nous pour avoir fait une telle chose ? » Pourtant, la miséricorde surabondante que Jésus manifeste nous invite à éviter de nous tromper de cible. Il ne s’agit pas de nous lamenter sur une « misérable humanité » qui nous serait extérieure ou, pire, qui prendrait les visages de certains de nos frères et de nos sœurs. Il s’agit de nous lamenter sur notre propre humanité si souvent attirée par des attitudes mortifères qui chaque jour dressent des croix et « crucifient » le don de Dieu. Devant la Croix, c’est sur nous-mêmes qu’il faut porter un regard de vérité ! Sur les autres, sur les hommes et sur les femmes, nos frères et nos sœurs dans le Christ, Jésus nous invite à porter, à son exemple, un regard de miséricorde et de confiance, un regard de salut.

 

Le regard bienveillant de Jésus et sa parole transfigurent l’humanité, même quand elle se donne à voir sous son pire jour. Epousons ce regard, laissons-nous attirer vers celui qui, élevé sur la Croix, nous appelle à le rejoindre. Gardons nous de le lier et de l’enfermer dans un tombeau au risque de priver l’humanité qui en a tant besoin de sa lumière salvatrice. Nous savons qu’aucun tombeau ne peut le retenir. Alors, laissons nous convertir en témoignant de sa miséricorde !

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17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 18:07

 

 

Depuis quelques semaines, l’œuvre d’Andres Serrano, Piss Christ, refait scandale et il ne se passe pas deux jours sans que je reçoive un mail m’invitant à signer une pétition pour interdire son exposition et à trouver au moins deux personnes pour la signer à leur tour. Un phénomène de foule criant au blasphème ! Je n’aime ni les foules ni les anathèmes, mais je comprends que cette photographie puisse choquer. Encore faut-il, me semble-t-il, nous intéresser réellement au sujet du scandale. Et nous y intéresser en ce moment où nous célébrons la Passion de Jésus est tout à fait éclairant. C’est l’objet de cet article sans prétention qui, je le sais déjà, ne m’attirera pas que des mots d’amour et de félicitations.

En premier, permettez-moi de m’étonner de ce qui est le plus souvent dit sur Andres Serrano, qualifié d’artiste mineur ou de pseudo artiste. On peut être blessé par une œuvre, on peut la trouver insupportable mais pour que notre propos soit entendu il faut au moins que nous évitions de dire n’importe quoi sur son auteur. Andres Serrano n’est pas un artiste mineur, il est certainement l’un des plus grands photographes de notre époque. Et ce n’est pas mon opinion, mais celle de personnalités aussi diverses que des conservateurs de musées, galeristes, ou historien de l’art comme l’a montré le magnifique ouvrage que lui a consacré le regretté et renommé Daniel Arasse.

Les œuvres d’Andres Serrano montrent la réalité en la monumentalisant. Ses photographies sont d’une grande qualité. Travaillées comme des peintures, ses compositions empruntent souvent aux chefs d’œuvres de l’art ancien et moderne. Les couleurs et la lumière viennent donner force aux sujets lourds qu’il traite. Il est certainement l’un des meilleurs portraitistes des corps et des matières, révélant tout à la fois leur réalité physique et nous projetant dans des vérités finalement plus fondamentales qui parfois nous agressent ou nous choquent. Il s’intéresse en effet particulièrement à ce qui pose question dans notre société avec un regard juste et souvent loin des pensées convenues de notre siècle : les sans abris, la mort, le sexe et ses déviances (et on est loin d’un regard complaisant), mais également la religion. Il est certes provocateur mais au sens où il provoque chez le spectateur la nécessité de réfléchir et de s’engager, la nécessité de ne pas rester indifférent.

Piss Christ, l’œuvre qui aujourd’hui alimente les pétitions scandalisées est devenu un ‘classique’ de l’art contemporain. Un classique qui ne cesse de faire scandale depuis sa première exposition aux Etats-Unis jusqu’à l’exposition d’Avignon en passant notamment par l’exposition de Melbourne ou l’archevêque avait demandé la fermeture de l’exposition et perdu devant la justice. On a vu des jeunes venir détruire l’œuvre à coups de marteaux comme d’autres avaient brûlé un cinéma à Paris pour protester contre la projection de La dernière tentation du Christde Martin Scorsese. Toujours sous la même accusation de blasphème. Cette même accusation qui, justement, a envoyé Jésus sur la Croix. 

Andres Serrano, Piss Christ, 1987.

Mais revenons à cette œuvre qui précisément représente le Christ en Croix. Le scandale est d’avoir plongé un crucifix en plastique dans l’urine. Comme le rappelle l’artiste lui-même, se remémorant ses cours de catéchisme, entre un crucifix et Jésus lui-même il y a une large différence. Que cela nous choque est une chose compréhensible, que nous confondions l’objet et la personne qu’il représente en est une autre qui l’est beaucoup moins. Nous n’adorons pas des images mais une personne. Andres Serrano aurait plongé une icône orthodoxe dans l’urine, le débat aurait été plus difficile mais il s’agit d’un crucifix en plastique comme il y en a tant, abandonnés dans les tiroirs de nos maisons et même de nos sacristies. Gardons la tête froide !

Si nous devions retirer des expositions et des musées toutes les œuvres qui ont causé scandale ou que l’on a qualifié de blasphématoire, la liste serait longue et surprenante. Ainsi, la mort de la Vierge du Caravage qui, à son époque, avait fait scandale car la Vierge était peinte sous les traits d’une prostituée repêchée après noyade. La Vierge sous les traits d’une pute est à mon sens plus scandaleux qu’un crucifix en plastique plongé dans de l’urine. C’est pourtant l’une des œuvres les plus remarquables du Caravage, où la réalité des traits de la Vierge sous la lumière crue de l’artiste dégage une émotion incroyable.

Plutôt que de nous demander si scandale il y a, il serait peut-être intéressant de nous poser la question de la signification de ce geste. Andres Serrano est un grand collectionneur d’art religieux, particulièrement de l’époque baroque. Il connaît parfaitement notre religion dans laquelle il a été élevé et a fait des portraits d’hommes d’église somptueux, avec leur accord, et après avoir réalisé cette œuvre. Cela n’excuse pas son geste pour ceux qui le ressentent comme une violence faite à leur foi, mais cela nous oblige à y chercher du sens. Et quel est le sens de la crucifixion ? Nous sommes, cette semaine, plongés dans la lecture de la Passion. Que lisons-nous ? Nous lisons l’histoire de l’assassinat d’un homme juste par une humanité qui se plait à agir de la manière la plus ordurière possible : trahison, reniement, lâcheté, faux témoignage et mensonges, violence et moqueries. L’urine humaine dans laquelle Andres Serrano a plongé son crucifix, ne représente-t-elle pas cette humanité dans ce qu’elle a de moins humaine, cette humanité réduite à sa déjection ? Alors oui, il y a scandale, mais c’est celui de l’iniquité humaine qui a mis à mort celui qui, avant même d’être le Fils de Dieu, était un homme innocent. Finalement un bain de pisse, me semble bien moins blasphématoire que ce que Jésus a subi aux jours de sa Passion, bien moins blasphématoire que ce nous continuons de lui faire subir quand nous oppressons le faible, faisons régner l’injustice et oublions ses commandements. Si Piss Christpeut nous choquer au point que nous nous rendions enfin compte que c’est l’abjection humaine qui a cloué le Christ sur une Croix et continue de le faire, cette œuvre n’est pas blasphématoire, elle est salutaire car elle nous pousse à la conversion.

Mais la Passion de notre Seigneur, ne se résume pas à cet assassinat atroce. Face à l’humanité méprisable et haineuse qui le conduit à la Croix, il y a la marche miséricordieuse de Jésus qui s’avance librement vers la Croix. Cette miséricorde, je la retrouve dans cette oeuvre qu’un critique avait qualifié d’incandescente. La lumière qui se dégage du crucifix et qui irradie à travers l’urine dans cette couleur rouge orangée est proprement stupéfiante. Car finalement, si nous n’avions pas le nom de l’œuvre, personne ne pourrait supposer la manière dont elle a été conçue et la matière qui crée ce halo et ce qui resterait uniquement serait cette lumière floue qui laisse apparaître le Christ en Croix comme une apparition en lévitation source de lumière. Un Christ en Croix qui transcende notre humanité dans ce qu’elle a de plus vil pour l’éclairer et la sauver. N’est-ce pas exactement le message de Pâque ?

Voilà ma proposition de lecture de cette œuvre qui, si nous faisons l’effort d’entrer dedans plutôt que de déchirer nos vêtements de rage, me paraît beaucoup plus sensée que blasphématoire.

Je sais que cependant, certains me diront qu’il s’agit ici d’une lecture très personnelle de l’œuvre et que la réalité c’est qu’Andres Serrano a plongé un crucifix dans son urine. Et que cela, c’est un scandale. Dans ce cas, j’aimerais que, plutôt que de condamner le geste, nous nous penchions, en conscience, sur ce qui pourrait amener quelqu’un à agir de la sorte. Comme l’avait dit, au moment du scandale qu’avait provoqué l’œuvre aux Etats-Unis, sœur Wendy Beckett, critique d’art et religieuse catholique, la question est de savoir « ce que nous avons fait du Christ » pour qu’un artiste qui porte une certaine parole de la société et de la culture contemporaine en soit arrivé là. Soit dit en passant, rapporté à la culture contemporaine, le geste d’Andres Serrano est, je trouve, moins scandaleux qu’un certain nombre de gestes prophétiques de la Bible, le mariage d’Osée avec une prostituée par exemple. Et c’est peut-être dans ce sens qu’il faut comprendre la réaction de sœur Wendy Beckett. Quel message la société contemporaine pourrait vouloir faire passer avec ce geste artistique et à qui ? Y répondre n’est pas le sujet de cet article mais il est certain qu’en creusant un peu, nous nous apercevrions malheureusement très vite que pour beaucoup de nos contemporains les plus mauvais avocat de Jésus et de ses valeurs sont les églises chrétiennes quand elles se proclament détentrices de la Vérité et quand elles manient la condamnation et l’anathème quand il prêchait la miséricorde et le salut. 

 

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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 18:09

 

Le dimanche des Rameaux et de la Passion, c’est le dimanche de la foule. Une foule qui acclame, une foule qui conspue. La foule en générale, mais aussi la petite foule des disciples qui abandonne Jésus et s’enfuit après l’avoir assuré, avec Pierre, que même s’il elle devait mourir avec lui, elle ne le renierait pas.

Le dimanche des Rameaux et de la Passion, c’est le dimanche où nous est reposé une dernière fois cette question qui traverse l’Evangile et à laquelle nous avons tant de mal à nous arrêter pour y répondre : « Qui est cet homme ? » Comme la foule, sans réfléchir, nous lançons « c’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée », « c’est le fils de David qui vient au nom du Seigneur », « c’est le Messie »… « c’est le fils de Dieu »… Mais si toutes ces réponses sont sûrement parfaitement justes répondent-elles à la question que Jésus lui-même n’a cessé de poser : « Et pour vous qui suis-je ? »

Finalement, pour les chefs des juifs qui le condamnent, la réponse est simple : « un perturbateur » qui les empêche de faire tourner correctement leur boutique religieuse. Pour Pilate, « un problème politique » qui lui impose d’être injuste pour éviter une crise dans le pays dont il est responsable. La foule, elle, n’a pas répondu à cette question en vérité et peut donc, sans problème, varier de l’ovation du Messie à la haine du blasphémateur.

Et pour les disciples de l’Evangile qui est-il ? Leur réaction nous montre à l’évidence que la réponse est moins simple qu’il n’y paraît et qu’elle ne peut en aucun cas se résumer à une réponse théorique. Pour les disciples de l’évangile, Jésus est certainement tout autant un ami qu’un rabbi. Des liens de proximité et des liens de déférence se mêlent à la compréhension de ce qu’il a essayé de leur enseigner sur qui il était. Comme pour la foule des rameaux, le souhait ardent de voir en Jésus un messie venu sauver le peuple d’Israël de ses oppresseurs devait rester ancré au fond d’eux. Et pourtant la passion va nous montrer la collusion des oppressés et des oppresseurs contre celui qui semblait incarner cette figure messianique. La figure de Jésus guérisseur, du Jésus des miracles, devait également être très importante pour eux et nourrir leur compréhension d’un lien direct entre Jésus et Dieu. Mais, comme nous l’avons entendu dimanche dernier dans la résurrection de Lazare, cette figure occulte finalement la compréhension de Jésus comme source de la vie. Or c’est bien là que se joue la compréhension de qui est Jésus.

Car évidemment, si nous ne croyons pas que Jésus est la vie, toutes les autres figures que nous lui attribuons sont mises à mal par son arrestation, son procès par les chefs des juifs et par Pilate et bien évidemment par sa mise à mort. Le messie humilié est un imposteur, le guérisseur mort ne sert plus à rien. Seule la tristesse d’avoir perdu un ami reste. Il est donc presque logique que les disciples de l’Evangile, en dehors du fait que leur faiblesse a laissé Jésus seul à Gethsémani et que leur « instinct de survie » ou leur peur les ont empêché de le défendre, se soient dispersés près son arrestation. C’est à la lumière de la Résurrection, une lumière qui sera loin d’être évidente, que les disciples pourront répondre réellement à la question en se remémorant les enseignements de leur maître.

Mais pour nous qui est-il ?

Contrairement aux disciples de l’Evangile nous ne vivons pas la passion de Jésus en direct. Nous la vivons à travers leurs témoignages illuminés de l’événement de la Résurrection, les évangiles, la tradition vivante d’une Eglise multiséculaire. Pourtant dans le flot de sens qui est mis à notre disposition, si nous ne voulons pas rester anonyme dans une foule versatile, nous devons à notre tour écouter Jésus nous poser sa question et y répondre. Et, pour moi, qui est cet homme ? Est-il la vie ? Est-ce que comme les disciples, je chemine avec lui ? Avec lui et non seulement avec la foule des chrétiens ? Est-ce que, comme baptisé, je me sens responsable de lui, responsable de sa Parole, responsable du Salut qu’il offre, responsable de sa vie ? De sa vie et non seulement des « valeurs » que défend mon Eglise ?

L’Eglise ne peut pas être une foule d’anonymes car Dieu appelle chaque homme et chaque femme par son nom. Elle doit être une somme d’individualités, appelées par Jésus et ayant répondu à Jésus. Une somme d’individualités responsables en leur propre nom, au nom de leur baptême, capables de témoigner devant les tribunaux, religieux comme civils, devant l’injustice et la mort, que Jésus est la vie donnée en abondance. En ce dimanche des rameaux et de la passion, la question « Qui est cet homme ? » est primordiale, elle est posée personnellement à chacun d’entre nous afin que nous constituions un peuple de témoins responsables et non une foule dont les membres se reposeraient sur la responsabilité du groupe. 

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14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 12:51

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Il est souvent agaçant d’entendre des évêques émérites expliquer ce qu’il faudrait pour l’Eglise d’aujourd’hui ou de demain. On a toujours envie de leur demander si ils n’auraient pas pu réfléchir avant à la question pour pouvoir trouver des solutions au moment où ils étaient « aux commandes ».

 

Dans A cause de Jésus, la question ne se pose pas même si au détour d’un chapitre Monseigneur Joseph Doré, archevêque émérite de Strasbourg, s’en explique. Dans ses réflexions sur l’Eglise présente et à venir, il s’appuie sur ce qu’il a fait et ce qu’il a dit comme évêque et comme théologien, avec la même responsabilité. Avec cette même liberté aussi de celui qui maîtrise théologiquement et pastoralement les questions qu’il traite et qui est prêt à démontrer à quiconque le questionnerait que rien dans les options qu’il développe et met en œuvre n’est contraire à la tradition vivante de l’Eglise. Même liberté, même responsabilité, Joseph Doré est toujours évêque, solidaire de ses confrères dans la gouvernance de l’Eglise, toujours théologien, soucieux d’appuyer ses positions sur une analyse exacte des problèmes posés et d’y répondre par des propositions qui s’inscrivent dans les règles actuelles de l’Eglise.

 

Mais ne nous y trompons pas, rester dans les clous ne signifie aucunement pour lui s’interdire toute initiative. La responsabilité du théologien comme celle du pasteur est justement de pouvoir proposer des solutions orthodoxes aux questions qu’affrontent l’Eglise contemporaine. Une Eglise qui ne vit pas recluse sur elle-même mais dans un échange productif avec le monde, son monde. A cause de Jésus est le parcours d’un homme engagé depuis cinquante ans dans un dialogue avec le monde, ses intellectuels, son opinion publique. Un homme qui nourrit sa foi du dialogue avec les philosophies et les pensées qui l’entourent, de la juste critique de la tradition catholique qui le porte et de son histoire, avec ses zones d’ombres et ses merveilleuses richesses, mais également des questions, des peurs et des espérances des hommes et des femmes de son temps.

 

Dans cette histoire d’une vie, d’une pensée et d’une action, rien ne semble éludé, ni les questions qui fâchent, ni les bonheurs qui font vivre. Dans A cause de Jésus, Monseigneur Joseph Doré, nous livre un témoignage : le christianisme, et particulièrement le catholicisme, est toujours aujourd’hui un chemin de liberté et d’épanouissement pour l’homme. Ce faisant, il nourrit notre réflexion nous permettant de mieux appréhender notre propre tradition, de nous en enrichir et de nous donner le goût d’en témoigner. Un livre à lire.

 

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 22:35

 

Jésus s’est réfugié au-delà du Jourdain pour échapper aux juifs qui voulaient le lapider. C’est là qu’il reçoit la nouvelle de l’envoyer de Marthe et Marie. Leur frère, son ami Lazare, est malade. Ce message est un appel au secours comme le soulignera cette même phrase que les deux sœurs prononceront quand elle le verront : « Seigneur si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Mais pour les disciples, présents avec lui, retourner en Judée c’est pour Jésus signer son arrêt de mort. Ils en sont tellement persuadés que Thomas, quand Jésus décidera de partir, dira : « Allons, nous aussi, pour mourir avec lui ». Lazare n’est donc pas le seul face à la mort, Jésus et ses disciples s’ils choisissent de revenir savent ce qui les attend. Et la décision des chefs juifs, immédiatement après cet épisode, de mettre Jésus à mort leur donnera raison.

 

Entre se précipiter pour soigner son ami Lazare ou rester au-delà du Jourdain en attendant que la situation soit moins périlleuse pour lui, Jésus choisit une troisième voie. Attendre deux jours, puis partir. La première réaction de Jésus en apprenant la maladie de Lazare, « cette maladie ne mène pas à la mort », pourrait laisser croire qu’il n’a pas pris conscience de l’imminence de la fin de son ami. Mais en partant, il sait que Lazare est mort et le dit très clairement à ses disciples qui semblaient avoir mal interprété sa parole « notre ami Lazare repose mais je vais aller le réveiller. » Jésus a choisi d’attendre deux jours pour laisser à Lazare le temps de mourir. Le signe qu’il doit poser n’est pas une guérison mais une résurrection afin que soit manifesté qu’il est la résurrection. Ce que Jésus veut montrer à ses disciples c’est qu’il n’est pas un guérisseur mais la vie.

 

La réaction des deux sœurs, « si tu avais été là », comme celle des disciples qui se sont mépris sur la parole de Jésus, « s’il repose, il sera sauvé », montrent bien la foi que ses disciples mettent dans ses pouvoirs mais également la limite de cette foi qui n’est pas encore une foi en la personne de Jésus qui dispense la vie. Marthe qui intellectualise la mort de son frère en confessant sa foi en la résurrection au derniers jours selon la tradition juive et Marie qui la vie dans la douleur en tombant aux pieds de Jésus n’ont pas même l’idée de lui demander de le ressusciter tellement cela leur est inconcevable. Devant le tombeau, quand Jésus demande d’enlever la pierre, la réaction de Marthe « Seigneur, il sent déjà, c’est le quatrième jour » prouve que pour elle tout est terminé. Que devant la mort, Jésus est comme tout le monde, démuni.

 

Et pourtant, comme Jésus le lui rappelle, elle a répondu « Oui, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde ». Elle l’a confessé de toute bonne foi mais elle n’a pas pris conscience de ce que cela voulait dire alors qu’il venait de le lui annoncer : « Moi, je suis la résurrection, qui croit en moi, même s’il meurt vivra et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » Entre croire en l’idée de la résurrection et croire que Jésus est la vie, entre mettre sa foi en une espérance et la mettre en la personne de Jésus, Fils de Dieu, venu dans le monde, il y a une grande différence. Et le signe de la résurrection de Lazare est là pour permettre aux disciples d’effectuer cette conversion. « Cette maladie ne mène pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifiée par elle. »

 

La réaction des juifs « Ne pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle faire aussi que celui-ci ne mourût pas ? », en faisant le lien entre l’aveugle-né que Jésus avait « guéri » en lui apposant de la glaise sur les yeux et Lazare, nous ouvre à la vraie nature de l’ensemble des signes de Jésus, qu’ils soient guérison ou résurrection : la puissance créatrice de Dieu qui dispense la vie. L’espérance en la résurrection n’est pas une idée vaine parce qu’elle repose sur la foi en un Dieu créateur, en un Dieu qui donne la vie. Nous ne mettons pas notre foi en un système philosophique qui, comme celui des grecs, inclurait une permanence de l’esprit. Nous la donnons à Dieu, créateur de nos corps et de nos vies, qui seul peut ressusciter nos corps et nous donner la vie éternelle, nous libérer et nous délier des liens de la mort. « Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Rm 8,11)

 

Intégrer cet amour, mettre notre foi en Jésus ressuscité, source de la vie, c’est mettre en nous la lumière qui nous permettra de marcher dans la nuit sans buter. La résurrection de Jésus, comme celle de Lazare, ne viennent en rien anéantir l’horreur ou la peur que nous avons face à la mort devant laquelle Jésus lui-même a ressenti de l’effroi et de l’angoisse. Mais elle ouvre une voie nouvelle, l’assurance que Dieu ne nous laissera pas retomber dans le néant. La résurrection de Jésus, premier né d’entre les morts, événement passé que nous fêterons à Pâques, ouvre la voie de nos guérisons et de nos résurrections individuelles aujourd’hui et à l’heure de notre mort.

 

 

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 00:10

 

Chers amis, ce mot, qui tombe à pic dans l’ordre alphabétique n’était pas prévu dans la liste initiale. Il me sert seulement de prétexte pour vous indiquer une interruption de mon activité de production et de publication de petits mots hebdomadaires. Je suis à la fois occupé et préoccupé par un lourd chantier qui retient toute mon attention et toute ma concentration. Pour combien de temps cette interruption ? Quelques mois sans doute. Mais j’ai promis à l’ami Bérulle que je reviendrais et vous en fait aussi la promesse.

À très bientôt.

Pietro

 

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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 23:41

 

Au cœur de l’évangile de l’aveugle né, Jean nous raconte un procès, nous renvoyant directement au cœur de l’évangile, le procès de Jésus, et au cœur de notre vie de foi, notre témoignage.

 

Nous pourrions être choqué de l’explication de Jésus quand ses disciples lui demandent pourquoi cet homme est aveugle de naissance. « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce  lui qui a péché, ou bien ses parents ? » … « Ni lui, ni ses parents. Mais l'action de Dieu devait se manifester en lui. ». L’action de Dieu c’est celle que Jésus va accomplir. Mais Dieu peut-il vraiment avoir fait naître un homme aveugle simplement pour pouvoir manifester sa grandeur et même son amour ? L’aveugle-né ne serait-il qu’un pion duquel dieu se jouerait ? Et pourtant si un homme est bien né pour que le salut de Dieu se manifeste n’est-ce pas justement Jésus lui-même ? La réponse de l’aveugle-né devant ses juges : « Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m'entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? » préfigure la réponse de Jésus à son propre procès : « J'ai parlé au monde ouvertement. J'ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le Temple, là où tous les Juifs se réunissent, et je n'ai jamais parlé en cachette. Pourquoi me questionnes-tu ? Ce que j'ai dit, demande-le à ceux qui sont venus m'entendre. Eux savent ce que j'ai dit. »

 

Pour l’aveugle né, comme pour nous, l’action de Dieu reste finalement inconnue, pour les autres et pour nous-même, tant que nous n’acceptons pas d’y reconnaître Dieu lui-même et que nous n’en témoignons pas. Le procès de Jésus que relatent les évangiles se résume finalement à cette seule question : « Croyons-nous qu’il est le Fils de l’homme ? ». Tous les signes qu’il peut nous donner, jusqu’au signe définitif de sa victoire sur la Croix, ne servent à rien si nous nous projetons nous-mêmes dans les ténèbres en refusant de reconnaître qu’il est le Fils de Dieu. L’aveugle n’est pas un pion dont Dieu se sert, il est un homme aimé par Dieu qui découvre pleinement son amour dans une relation personnelle. Une relation qui dépasse l’action salvatrice pour aller jusqu’à la connaissance de celui qui l’a sauvé et au témoignage.

 

Puissions-nous laisser Jésus dialoguer avec nous pour qu’il nous amène à notre rythme à lui répondre nous aussi : « Je crois, Seigneur ! ». Nous serons alors témoins du Salut.

 

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 00:28

 

Elle est étrangère et à une vie plus que dissolue. Elle vient chercher de l’eau au puit pour étancher sa soif humaine.

Il est le Messie et lui demande à boire. A-t-il soif  lui qui n’aura pas besoin de nourriture quand ses disciples lui proposeront de manger avec eux ?

 

« « Pour moi, j'ai de quoi manger : c'est une nourriture que vous ne connaissez pas. »
Les disciples se demandaient : « Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? »
 »

 

Et si derrière cette phrase banale, peut-être même un peu stupide, les disciples avaient mis le doigt sur une des plus belles définitions théologiques de Dieu. Un Dieu qui se nourrit de notre reconnaissance. Un Dieu qui se nourrit de la croyance d’hommes et de femmes qu’il aime tels qu’ils sont.

 

Comme les disciples, nous pourrions être étonnés que Dieu s’intéresse à cette femme. Nous pourrions être étonnés également de ce qui a touché cette femme dans le dialogue qu’elle a eu avec Jésus. Ce n’est pas le don de l’eau vive, c’est le fait qu’il lui ait dit tout ce qu’elle avait fait.

 

C’est la proximité de Jésus, sa connaissance de celles et ceux dont il a partagé la condition humaine, qui convertit la samaritaine et ceux qui l’entendent témoigner.

 

C’est cette proximité qu’il nous faut retrouver, car c’est par elle que se déverse cette mystérieuse eau vive de Dieu. C’est grâce à elle que Jésus peut finir par dire à la samaritaine, au bout d’une conversation, qu’il est le Messie. Et qu’elle le croit.

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 23:38

 

Dans le cadre du "Mois du dessin" à Paris, la galerie Tarantino présente "Peindre à Rome : tableaux et dessins des XVIIe et XVIIIe siècles". Parmi les oeuvres exposée, un rare dessin de Giovanni Battista Pace sert d'introduction au parcours chronologique. L'oeil de notre journaliste analyse cette feuille publiée pour la première fois dans le cadre de cette exposition, ouverte jusqu'au 21 avril 2011.

    

Pace.jpg  La mort de saint Joseph 

Giovanni Battista PACE (Rome, 1640  –  ?, après 1665)

Sanguine 221 x 157 mm

Provenance : Double Numbering Collector

Annoté à l’encre brune : « 35 » en haut et « trenta cinque » en bas à gauche.

 

En 1966, le professeur Italo Faldi ressuscitait le nom des Pace en publiant, pour la première fois, plusieurs tableaux de Michele (Rome ?, 1610 - ?, 1670), le père, et de Giovanni Battista, le fils. À ce dernier, le cardinal Flavio Chigi commanda, en 1665, deux scènes d’histoire religieuse : Le Songe de saint Joseph et La fuite en Egypte, qui serviront de point de départ à la reconstitution de son œuvre peinte et dessinée[1]. Celle-ci est encore parfois confondue avec celle de son maître Pier Francesco Mola (Coldrerio, dans le canton du Tessin, 1612 – Rome, 1666) dont il chercha à imiter les sujets et la manière. Leur étroite parenté de style (À la mort de Mola, Giovanni Battista termina certains tableaux de son maître laissés inachevés dans l'atelier) rend parfois difficile la distinction entre les deux. Nous tenons à exprimer notre gratitude à Nicholas Turner à qui nous devons l’attribution de notre dessin à Giovanni Battista Pace.

L’écriture nerveuse est, en effet, celle que l’on retrouve dans ses dessins à la sanguine. De Giovanni Battista Pace, le musée du Louvre possède un Enlèvement des sabines[2] qui présente le même traitement sommaire des visages, des mains et des drapés. Les objets, l’éponge et l’aiguière posées sur la table calée sur le bord droit de la composition, sont esquissés avec la même rapidité que les figures principales.

 

Le style, en apparence désordonnée, s’accorde avec l’intensité dramatique de la scène. Le dessin est fidèle au récit donné par Jésus de la mort de Joseph : «Du regard, il me priait de ne pas l’abandonner […]. Je posai la main sur son cœur […]. Ses yeux s’emplirent de larmes et il exhala un gémissement profond.»  L’expression de Joseph est sans équivoque : il a peur de la mort et il souffre. Son humanité est aussitôt récompensée. Le plafond de la chambre s’ouvre pour laisser place à une nuée d’anges venus accueillir au Paradis le «père nourricier» de Jésus.

 

La mort de Joseph porte le double numéro d’inventaire du «Double numbering collector», collectionneur anonyme italien de la seconde moitié du XVIIe sicèle, sans doute romain3, qui posséda plusieurs dessins de Giovanni Battista Pace dont celui du Louvre, cité plus haut. Le musée a établi, à partir du fonds des dessins du Comte d’Orsay lui appartenant, que ceux qu’il acheta en Italie et portant la dite numérotation, appartenait à un ensemble de dessins de Pietro da Cortona et d’artistes de son entourage ayant travaillé à Rome et à Florence, tel Ciro Ferri (Rome, 1634 – id., 1689), dont le style graphique est comparable à celui de Mola et de Pace. 

 

Bertrand Dumas



 [1] Sur ce point voir I. Faldi, «I dipinti chiagiani di Michele e Giovan Battista Pace», in Arte Antica e Moderna, 34-36, 1966, pp. 144-150 et Richard Cocke, «The drawings of Michele and Giovanni Battista Pace», in Master Drawing, vol. 29, n°4, 1991, p. 347.

 

[2] G.B.Pace, L'enlèvement des Sabines (?), H. 144; L. 166 mm, musée Louvre, Paris, Inv. 18014. Dessin classé parmi les «Anonymes italiens de la fin du XVIIe siècle» dans l'inventaire du musée du Louvre mais attribué à G.B. Pace par Simoneta Prosperi Valenti Rodinò, cité dans Mario Epifano, «Giovan Battista Pace e il disegno: Un petit maître tra pier Francesco Mola, Salvator Rosa e Pietro da Cortona», in Propozioni V / 2004, Annali della Fondazione Roberto Longhi, p. 138, note 80. Repr. fig. 143.
Pace_RattodelleSabine_Louvre.JPG
[3Renseignements sur le Double numbering collector communiqués par Rhea Blok, conservatrice à la Fondation Custodia (Paris), qui précise que les dessins de cette collection romaine ont probablement été dispersés dans la première moitié du XVIIIe siècle.

 

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