Le pape, tout le monde sait ça, est le chef des catholiques, un patron de droit divin, maître de tous et de tout, et en particulier de la vérité puisqu’il est infaillible. Bref, Dieu sur terre ! D’ailleurs, avec beaucoup de mépris, les chrétiens protestants ont longtemps appelé les catholiques les « papistes » pointant sans aménité leur tendance à confondre le Saint-Père et le bon Dieu. Pourtant, l’évêque de Rome, puisque c’est de lui dont il s’agit, est réputé être le successeur de l’apôtre Pierre et avoir reçu du Christ lui-même la mission de nourrir ses brebis et d’en prendre grand soin.
C’est à ce titre que vers le IV° siècle, on commence à lui donner le doux nom de pape, c’est-à-dire « petit père », ou « papa ». À l’époque, il n’est pas le seul, d’autres évêques seront ordinairement appelés papes. Ce n’est qu’après l’an 1000 qu’en Occident il ne reste plus qu’un seul pape, celui de Rome. En Orient, tous les prêtres sont toujours des pappas (popes), et aujourd’hui, le chef des Coptes est le pape Chenouda III.
En Occident, le « papa » est devenu monarque (mot qui étymologiquement désigne le pouvoir d’un seul). Les papes ont beau protester qu’ils sont les « serviteurs des serviteurs de Dieu », leur pouvoir illimité – le Concile de Vatican I affirme l’infaillibilité et aussi la juridiction universelle du pontife romain – efface toute trace de fraternité comme de paternité entre eux et le reste du monde. Jusqu’il y a peu (Paul VI), les cardinaux, qu’il appelait « mes frères » lui baisaient encore le soulier. Autant dire que la douce figure paternelle est devenue une figure impériale et impérative.
On objectera que ce « pouvoir » n’est que spirituel, mais le pouvoir sur les esprits n’est-il pas le seul véritable pouvoir ? Et notre monde hyper médiatisé, et peopolisé, en excerbant tous les cultes de la personnalité ne donne-t-il pas aux récents papes des moyens dont nul avant eux n’avaient disposé ?
Faut-il pour autant supprimer le pape, du moins la fonction ? Il me semble que ce serait une erreur, peut-être même une faute. La tradition catholique tente d’allier l’universalité et l’unité, et pour le faire, elle confie à un parmi les siens la charge de la communion. Elle s’appuie sur les mots de Jésus lui-même confiant les siens aux bons soins de Pierre.
Cette mission particulière du successeur de Pierre est l’un des signes et des ferments de l’unité. La vraie question pour les papes à venir sera de se dépouiller des oripeaux impériaux pour être des pasteurs à l’image de l’unique Bon Pasteur, de ceux dont les brebis reconnaissent la voix. Ils devront êtres des frères au services des frères et des sœurs, et s’ils conservent le nom de pape, que se soit pour exprimer la tendresse du père de la parabole qui court à la rencontre du fils qu’il croyait perdu.
Jean 21, 15-17
Jésus dit à Simon-Pierre : «Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ?» Il lui répondit : «Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime.» Jésus lui dit : «Fais paître mes agneaux.» 16Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : «Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?» «Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t'aime.» Jésus lui dit : «Sois le pasteur de mes brebis.» 17Il lui dit pour la troisième fois : «Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?» Pierre fut peiné de ce qu'il lui eût dit pour la troisième fois : «M'aimes-tu ?», et il lui dit : «Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime.» Jésus lui dit : «Fais paître mes brebis.
Extrait du discours du pape Thomas 1er au balcon de Saint-Pierre le jour de son élection, le 12 mars 2030.
Moi, Thomas, serviteur des serviteurs de Dieu, et frère jumeau d’une humanité qui doute et qui balbutie, je tombe à genoux devant mon Seigneur et mon Dieu, Jésus Christ, Dieu fait homme, et je lui demande la force de son Esprit pour aimer et servir l’humanité, pour vous aimer et vous servir comme lui-même l’a fait, jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au bout de la vie, jusqu’à la croix.
Pietro De Paoli, Vatican 2035, Plon 2005.