Les lectures de ce dimanche sont-elles une protestation véhémente de Dieu face à la liberté de l’homme ? Et même de l’homme Jésus ? Les lectures de ce dimanche sont-elles l’exaltation de la souffrance comme chemin le plus certain pour répondre à la volonté divine ? « Mon Alliance, c'est eux qui l'ont rompue, alors que moi, j'avais des droits sur eux. », « Parce qu'il s'est soumis en tout, il a été exaucé. », « Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.», « Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. »…
Je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase qui m’a toujours fait bondir : « c’est par l’humiliation qu’on apprend l’humilité. » Ne trouvez-vous pas qu’il y a dans cette logique une opposition irréductible avec ce que nous révèle Dieu lui-même de son alliance ?
Si Dieu a mis la Loi au plus profond de notre cœur, ce n’est certainement pas pour nous soumettre à des ordres extérieurs que notre cœur ne pourrait cautionner. Et si Dieu fait alliance avec nous pour avoir un peuple à sa botte, ce n’est certainement par amour.
Certes l’obéissance de Jésus passe par la Passion. Et certes, paradoxalement, le triomphe de la vie de Dieu passe par sa mise à mort. Mais le cri du cœur de Jésus montre à l’évidence que ce n’est pas normal, que ce n’est pas dans la logique de Dieu. C’est bien parce que Jésus ne se cantonne pas à une relation fermée avec Dieu mais entre dans la logique de Dieu, dans sa volonté de voir tous les hommes et toutes les femmes, des plus petits jusqu'aux plus grands, reconnaître l’amour qu’il leur porte, qu’il peut surmonter sa Passion et aller jusqu’au bout en accomplissant « l’offrande parfaite ».
Si Jésus est soumis à quelque chose c’est à son choix de vie, qui est le choix de la vie éternelle, c’est-à dire le choix de la pleine communion dans l’amour de Dieu. Ce n’est pas ses pulsions psychologiques qui éclairent son choix face à la situation dramatique qui se profile, mais ses convictions et sa pensée.
Ce n’est ni par l’humiliation qu’on apprend l’humilité, ni par l’acceptation des souffrances que l’on gagne la vie de Dieu… c’est par l’accueil et le partage de l’amour qui nous est offert, par l’entrée dans le dessein de Dieu. Cet accueil, ce partage, ce cheminement sont des actes de liberté qui ne reposent pas sur des obligations morales et juridiques mais sur la liberté que nous avons de nous tenir à nos propres choix, de ne pas être versatiles, de construire notre vie sur le roc de l’alliance parce que nous savons que notre bonheur s’y trouve.
Si nous devons être soumis, c’est à notre liberté d’être des hommes et des femmes pour qui la foi n’est pas de l’ordre des errements psychologiques mais bien de la construction rationnelle. La foi ne peut se nourrir d’imitation, de culpabilisation, d’autopersuasion et d’ordres impératifs. Elle ne peut se nourrir que du triomphe de notre pensée sur les aléas de la vie, une pensée libre nourrie d’un dialogue salutaire avec Celui avec lequel nous avons fait alliance pour notre bonheur.